fils qu’il renvoyait vers lui, porteur de cette lettre, et en recommandant de ne pas trop prolonger le temps du congé qu’il
lui accordait. Christophe demeura cependant deux ans auprès
de son père, qui, n’ayant gardé, disait-il, quelque reste de ses
biens qu’à la pointe de l’épée, ne se souciait pas de lui donner
de l’argent, mais en réclamait au contraire du roi pour lui-même. Les blessures de Christophe s’étaient d’ailleurs rouvertes, et ne lui permettaient pas de retourner auprès de Henri :
c’est ce que Guy de Rabutin disait au roi, dans une lettre librement écrite à la vieille française. Il alléguait aussi pour excuse
d’un si long retard que les affaires de sa maison l’avaient induit à marier son fils. En effet, Christophe de Chantal avait
épousé, le 28 décembre 1592, Jeanne-Françoise Frémyot, qui
devait apporter dans la famille où elle entrait une illustration
nouvelle, celle de la sainteté. Elle était fille de Bénigne Frémyot[1], président à mortier au parlement de Bourgogne, qui
avait intrépidement soutenu le parti du roi contre les ligueurs,
puissants dans le parlement et dans la province, et n’avait
pas même cédé à la menace qu’ils lui faisaient de lui envoyer
la tête de son fils, alors leur prisonnier. La mère de Jeanne
Frémyot était Marguerite de Berbisy, dont la famille, illustre
depuis quatre, siècles dans l’épée et dans la robe, s’était alliée
par mariage, dans le quatorzième siècle, avec la maison de
saint Bernard.
Quand on voit que les historiens donnent à Christophe de Chantal le titre de gouverneur de Semur, la pensée vient naturellement qu’il s’était, en remplissant ces fonctions, trouvé en rapport avec Bénigne Frémyot, président de la section du parlement de Bourgogne restée fidèle au roi et retirée à Semur. Mais cette conjecture ne se soutient pas devant la lettre de Guy de Rabutin, puisqu’elle établit que le mariage se fit au temps où Chantal prenait du repos. Ce gouvernement de Semur, dont Bussy du reste ne parle pas, ne fut donc donné que plus tard à Christophe. Son mariage avec Jeanne Frémyot s’explique assez par le voisinage de Semur et de Bourbilly, où vivaient
- ↑ « Elle était fille de deux ou trois présidents, ho ! ho ! pour qui nous prenez-vous ? et Berbisy par sa mère. » (Lettre de madame de Sévigné à madame de Grignan, 2 février 1689.)