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Que le conseil d Espagne hasarde) ;
Mais qu’ayant su de grand matin
Que le Duc avoit l’avant-garde,
Il avoit changé de dessein.

Nous avions donné rendez-vous aux Hollandois au canal de Bruges, pour leur prêter six mille hommes, afin qu’ils en fissent une diversion considérable. Les ennemis, qui en voyoient la conséquence, s’étoient postés à l’entrée de la plaine, pour s’opposer à notre jonction ; mais la nouvelle qu’ils eurent que Monsieur le Duc avoit l’avant-garde, les obligea de se retirer sous les murailles de Bruges.

De la plaine marchant[1] et les jours et les nuits,
    Et par une chaleur mortelle,
      Un de mes meilleurs amis[2]
      M’engagea dans sa querelle.
    Quoique rien ne fût plus léger
  Que le sujet qui nous put obliger
    De faire voir notre courage,
    Mon ami deux fois se battit.
    La première j’eus l’avantage ;
Mais comme seul à seul il revint au conflit,
  Il fut tué, dont ce fut grand dommage.

Pour vous expliquer ceci un peu plus clairement, Madame, je vous dirai que le chevalier d’Isigny et moi nous eûmes querelle contre des officiers d’infanterie pour un verre d’eau. On l’appela, je le servis, et je désarmai mon homme. Le sien n’étant pas content, le refit appeler le lendemain, seul à seul, et le tua.
  1. « Le 21e juillet au soir, nous repartîmes de la plaine (de Bruges), et nous allâmes camper sur la Lis, à une lieue au-dessous de Courtrai. » (Mémoires de Bussy, tome I, p. 121)
  2. Le chevalier d’Isigny, enseigne des gendarmes d’Enghien.
    Voyez un long récit de ce duel dans les Mémoires de Bussy, tome I, p. 121-124.