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1648

8. — DU COMTE DE BUSSY RABUTIN À MADAME DE SÉVIGNÉ[1]

Je fis aussitôt cette réponse à cette lettre.

Ce 12e avril [1648].

Pour répondre à votre lettre du 15e de mars, je vous dirai, Madame, que je m’aperçois que vous prenez une certaine habitude de me gourmander, qui a plus l’air de maîtresse que d’amie. Prenez garde à quoi vous vous engagez ; car enfin, quand je me serai une fois bien résolu à souffrir, je voudrai avoir les douceurs des amants, aussi bien que les rudesses. Je sais que vous êtes chef des armes, et que je dois du respect à cette qualité ; mais vous abusez un peu trop de mes soumissions. Il est vrai que vous êtes aussi prompte à vous apaiser qu’à vous mettre en colère, et que si vos lettres commencent par : Je vous trouve un plaisant mignon, elles finissent par : Nous vous aimons fort, M. de Sévigné et moi.

Au reste, ma belle cousine, je ne vous régale point sur la fécondité dont vous me menacez ; car, depuis la loi de grâce, on n’en a pas plus d’estime pour une femme, et quelques modernes même, fondés en expérience, en ont moins fait de cas. Tenez-vous-en donc, si vous m’en croyez, au garçon que vous venez de faire ; c’est une action bien louable, je vous avoue que je n’ai pas eu l’esprit d’en faire autant : aussi envié-je ce bonheur à M. de Sévigné plus que chose du monde.

J’ai fort souhaité que vous vinssiez tous deux à Paris quand j’y étois ; mais maintenant je serois bien fâché que vous y allassiez, c’est-à-dire que vous eussiez des plaisirs sans moi. Vous n’en avez déjà que trop en Bretagne.

  1. Lettre 8. — 1. Bussy date cette lettre de Valence. Au sujet de cette erreur, voyez encore la Notice, p. 40.