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SUR MADAME DE SÉVIGNÉ.


dans cette lettre, datée du 12 mars, il est question du mariage prochain de la troisième fille de madame de Chantal avec le comte de Toulongeon, et ce mariage se fit en 1622. L’indulgence avec laquelle la pieuse mère s’exprime sur ce duel fait juger à la fois de sa secrète faiblesse maternelle et des mœurs de ce temps : « Dieu , dit-elle[1], me fit la grâce d’être fort peu émue de cet accident qui me fut dit assez crûment. En effet ce fut une rencontre inopinée et en laquelle un plus sage que lui n’eût dû refuser l’assistance et le secours à un ami maltraité, mais tout cela selon le monde. Il n’a pas laissé d’être en peine, mais sans incommodité toutefois, et tout cela est accordé. Le bon gentilhomme que les sergents voulaient amener, fut fort blessé et n’est pas encore guéri ; mais grâce à Dieu le reste est sur pied. » Est-ce à l’occasion de ce même duel (il ne peut ici non plus s’agir de celui de 1624) que la tête de Chantal fut une première fois en péril, et que François de Sales eut à raffermir le courage de sa sainte amie, ainsi qu’elle-même nous le raconte dans ce passage d’une de ses lettres[2] ? « Quand sera-ce, me disait une fois notre bienheureux père, sur une occasion où il y avait apparence qu’on trancherait la tête à feu mon fils pour ses misérables actions du monde, quand sera-ce, me disait ce grand saint, que nous témoignerons à Dieu notre inviolable fidélité, si ce n’est en ces occasions si âpres et si dures à la nature ? »

Peu de temps avant le plus célèbre des nombreux duels de Chantal, celui où il fut engagé par Bouteville, il avait épousé Marie de Coulanges. De ce côté l’origine de madame de Sévigné est beaucoup moins noble que du côté paternel[3]. Bussy, dans son Histoire généalogique, parlant du père et de la mère de Marie de Coulanges, Philippe de Coulanges et Marie de Bèze,

  1. Lettres inédites de la sainte mère J. F. Frémyot, haronne de Rabutin Chantal, publiées par Édouard de Barthélemy, 2 vol. in—8. Paris, 1860.
  2. Lettre à M. le marquis de Pianesse, dans les Lettres de sainte Chantal, édition de Blaise. Paris, 1823.
  3. Cependant dans l’épitaphe que le P. Zacharie, capucin, composa pour Philippe de la Tour de Coulanges, fils aîné de Philippe de Coulanges, il est dit : « Clarissima stirpe genitus. » (Voir les Mémoires de Coulanges.) Il n’est pas impossible que les Coulanges, qui signaient anciennement de Colanges, descendissent de Gabriel de Collange, mathématicien et cosmographe, né vers 1524, en Auvergne, qui fut valet de chambre de Charles IX, et fut tué au mois d’août 1572, à la Saint-Barthélemy. (Voir les Mémoires de Niceron, tome XL, p. 291. Paris, 1739.)