Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 1.djvu/398

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 368 —

1650

lement persuadé qu’on ne peut être honnête homme sans être toujours amoureux, que je désespère de vous voir jamais contente si vous n’apprenez qu’à être aimée de lui ; mais que cela ne vous alarme pas, Madame : comme j’ai commencé de vous servir, je ne vous abandonnerai pas en l’état où vous êtes. Vous savez que la jalousie a quelquefois plus de vertu pour retenir un cœur que les charmes et que le mérite ; je vous conseille d’en donner a votre mari, ma belle cousine, et pour cela je m’offre à vous si vous le faites revenir par là. Je vous aime assez pour recommencer mon premier personnage de votre agent auprès de lui et me faire sacrifier encore pour vous rendre heureuse, et s’il faut qu’il vous échappe, aimez-moi ma cousine, et je vous aiderai à vous venger de lui en vous aimant toute ma vie.


17. — DU COMTE DE BUSSY RABUTIN À MADAME DE SÉVIGNÉ.

L’hiver de 1649, les princes de Condé, de Conti et de Longueville ayant été arrêtés par ordre du Roi et menés au bois de Vincennes, leurs partisans prirent les armes. L’engagement où j’étois alors dans la recherche de Mlle de Bouville (il l’épousa en mai 1650) m’empêcha heureusement de me trouver dans Bellegarde, qui ne fit pas d’honneur à ceux qui défendirent cette place. Mais quinze jours après que je fus marié, nous nous en allâmes, Tavannes, Chastelux et moi, nous jeter dans Montrond[1], d’où j’écrivis, un mois après, cette lettre à la marquise de Sévigné.

Au camp de Montrond, ce 2e juillet 1650.

Je me suis enfin déclaré : je vous l’avois bien dit, ma belle cousine ce n’a as été sans de grandes répugnances ; car je sers contre mon Roi un prince qui ne

  1. Lettre 17. — i. Château fort, situé dans le Bourbonnais, près de Saint-Amand (Cher), et appartenant au prince de Condé.