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1655 Je ne crois pas avoir jamais rien lu de plus agréable que la relation que vous me faites de votre adieu à votre maîtresse. Ce que vous dites que l’amour est un vrai recommenceur est tellement joli, et tellement vrai, que je suis étonnée que l’ayant pensé mille fois, je n’aie jamais eu l’esprit de le dire. Je me suis même quelquefois aperçue que l’amitié se vouloit mêler en cela de contrefaire l’amour, et qu’en sa manière elle étoit aussi une vraie recommenceuse. Cependant, quoiqu’il n’y ait rien de plus galant que ce que vous me dites sur votre affaire, je ne me sens point tentée de vous faire une pareille confidence sur ce qui se passe entre le surintendant et moi, et je serois au désespoir de vous pouvoir mander quelque chose d’approchant. J’ai toujours avec lui les mêmes précautions, et les mêmes craintes, de sorte que cela retarde notablement les progrès qu’il voudroit faire. Je crois qu’il se lassera enfin de recommencer toujours inutilement la même chose. Je ne l’ai vu que deux fois depuis six semaines, à cause d’un voyage que j’ai fait[1]. Voilà ce que je vous en puis dire, et ce qui en est. Usez aussi bien de mon secret que j’userai du votre : vous avez autant d’intérêt que moi à le cacher.

Je ne vous dis rien de l’aventure de Bartet[2] ; je crois

  1. Ce doit être le voyage de Saint-Fargeau, où Mme de Sévigné alla, au mois de juillet de cette année, faire sa cour à Mademoiselle alors exilée. La princesse raconte elle·même cette visite dans ses Mémoires (tome II, p. 357) : on Mmes de Montglas, Lavardin et de Sévigné y vinrent exprès de Paris. » Voyez la lettre 42.
  2. « L’aventure de Bartet, dit Bussy dans une note de notre manuscrit, étoit qu’ayant parlé du duc de Candale à Mme de Gouville avec mépris, ce duc lui avoit fait couper tout un côté de ses cheveux, ce qui fut une action assez hardie, car Bartet étoit secrétaire du cabinet. » Bartet, né dans une condition fort obscure, devait sa fortune aux services qu’il avait rendus à la Reine mère et au cardinal Mazarin pendant l’exil de ce dernier : il s’était chargé de leur