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1655

33. — DU COMTE DE BUSSY RABUTIN
À MADAME DE SÉVIGNÉ.

À Bavay[1], ce 13e août 1655.

J’ai reçu vos trois lettres, Madame : celle du 26e juin de Livry, et celles du 14e et du 19e juillet de Parie[2]. Celle de Livry est effectivement fort plaisante ; mais, comme vous dites, elle n’est pas la plus tendre du monde. Vous me parlez de désespoir et de larmes, tout exprès, à ce qui semble, pour me dire que ce n’est pas pour moi. Je sais bien que je n’y dois pas prétendre, mais vous n’avez que faire de m’exagérer si fort vos foiblesses pour un autre, et votre fermeté pour moi. Quand on aime bien les gens qui vont à l’armée, on a plus de crainte pour le danger de leurs personnes que de joie dans l’espérance de l’honneur qu`ils vont acquérir. Je jurerois qu’il y a des mouvements de dépit dans ce que vous m’écrivez. Sur la fin pourtant, vous vous radoucissez un peu, et craignant que ce que vous me mandez sur mon départ ne sente la rudesse de Rome naissante, vous vous radoucissez sur mon retours[3].

Pour votre lettre du 14e juillet, il n’y a rien de plus obligeant ni de plus flatteur que ce que vous me dites sur mes gardes de Landrecy. J’ai ri en lisant vos contrevérités, et la honte que vous me mandez avoir eue des mauvaises actions que j’ai faites.

Pour votre troisième lettre du 19e juillet, je vous dirai que, pour n’être pas d’un style laconique, elle ne laisse

  1. Lettre 33. — i. Ville du Hainaut, aujourd’hui dans le département du Nord.
  2. Les lettres 29, 30 et 31.
  3. Ce passage, depuis : « Vous me parlez de votre désespoir, » manque dans le manuscrit de Bussy. « La rudesse de Rome naissante » s’applique à la citation de Corneille de la lettre 29.