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SUR MADAME DE SÉVIGNÉ.

On n’a pas jusqu’ici, je crois, assez rendu justice à la tendre sollicitude que montra la mère de Chantal pour l’enfant que laissait son fils. L’image de ce fils sur le corps duquel il lui avait, pour ainsi dire, fallu passer, pour entrer dans la vie religieuse, avait dû bien souvent, au milieu de ses prières, être devant ses yeux. Il avait eu ces défauts qui ont leur source, non dans le cœur, mais dans une mauvaise tête, défauts que peut-être les mondains ne sont pas seuls à trouver séduisants, très dignes au moins de la pitié d’une pieuse mère, et faits pour la jeter dans de continuelles alarmes, comme pour redoubler sa tendresse. Sainte Chantal, quand elle l’eut perdu, confessait dans une lettre à l’évêque de Langres, Sébastien Zamet, « son amour peut-être trop grand pour ce très cher fils[1]. » L’assurance qu’on lui avait donnée, qu’il avait peu de temps avant sa mort reçu les sacrements, était sa consolation religieuse[2]. Sa consolation terrestre, c’était la fille de ce cher défunt. Dans toutes les lettres où elle parle d’elle, le langage a une suavité maternelle qui rappelle la douceur de François de Sales. Sainte Chantal était une de ces âmes toujours tendres, dans l’expression de leurs affections terrestres, comme dans les effusions de leur piété. « Conservez-vous, ma très chère fille, écrivait-elle à Marie de Coulanges, au milieu de leur deuil commun, conservez-vous pour élever en la crainte du Seigneur ce cher gage qu’il nous a donné de ce saint mariage, et le tenez comme un dépôt, sans y attacher par trop votre affection, afin que la divine bonté en prenne un plus grand soin, et soit elle-même toute chose à ce cher petit enfant. »

Après la mort du baron de Chantal, Marie de Coulanges se retira avec sa fille chez son père et sa mère, tantôt dans leur maison de Paris, sur la place Royale, où il est constaté qu’elle mourut[3], tantôt dans celle que Philippe de Coulanges avait fait bâtir en 1620, à Sucy, en Brie, à quatre lieues de Paris. Ce qui ne permet pas de douter que M. et madame de Coulanges prirent chez eux leur fille et leur petite-fille, c’est que, dans une lettre

  1. Lettres inédites, publiées par M. de Barthélemy.
  2. Ibid., dans la même lettre.
  3. Voir un extrait des registres de la paroisse Saint-Paul, dans les notes à la fin de la Notice (note 3).