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1664 m’avancer : quand je veux avoir un moment de joie, je pense à elle, et à son palais enchanté[1]. Mais je reviens à nos affaires ; insensiblement je m’amusois à vous parler des sentiments que j’ai pour vous, et pour votre agréable amie.

Aujourd’hui notre cher ami est encore allé sur la sellette. L’abbé d’Effiat[2] l’a salué en passant. Il lui a dit en lui rendant son salut : « Monsieur, je suis votre très humble serviteur, » avec cette mine riante et fine que nous connoissons. L’abbé d’Effiat en a été si saisi de tendresse, qu’il n’en pouvoit plus.

Aussitôt que M. Foucquet a été dans la chambre, M. le chancelier lui a dit de s’asseoir. Il a répondu : « Monsieur, vous prîtes hier avantage de ce que je m’étois assis : vous croyez que c’est reconnoître la chambre. Puisque cela est, je vous supplie de trouver bon que je ne me mette pas sur la sellette. » Sur cela, M. le chancelier a dit qu’il pouvoit donc se retirer. M. Foucquet a répondu : « Monsieur, je ne prétends point par là faire un incident nouveau. Je veux seulement, si vous le trouvez bon, faire ma protestation ordinaire, et en prendre acte : après quoi je répondrai. » Il a été fait comme il a souhaité ; il s’est assis, et on a continué la pension des gabelles, où il a parfaitement bien répondu. S’il continue, ses interrogations lui seront bien avantageuses. On parle fort à Paris de son admirable esprit et de sa fermeté. Il a demandé une chose qui me fait frissonner : il conjure une de ses amies de lui faire savoir son arrêt par une certaine voie enchan-
  1. Voyez Walckenaer, tome III, p. 74.
  2. Jean Coiffier de Ruzé d’Effiat, abbé de Saint-Sernin (de Toulouse) et de Trois-Fontaines, frère de Cinq-Mars, et beau-frère du maréchal de la Meilleraye, grand maître de l’artillerie, qui lui fit donner un appartement à l’Arsenal. Il mourut en 1698. Voyez la lettre du 28 octobre 1671.