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bien que l’aventure du lion ne lui est point arrivée, qu’elle a de belles et bonnes dents, et sais mieux encore que mon respect me mettra toujours à couvert de ses ongles. Mais, Mademoiselle, à quoi vous jouez-vous de me louer ? Vous prenez quelque intérêt en ma gloire, et vous m’allez rendre si vain que je ne serai plus digne de votre estime. Connoissez un peu mieux, malgré votre modestie, ce que c’est d’être loué par l’illustre Sapho, de qui l’approbation peut faire l’estime et la félicité de tous ceux qu’il lui plaira ; et croyez que personne n’y est plus sensible ni ne la reçoit avec plus de respect et n’en est pourtant moins digne qu’Artaban[1].


* 76. — DU DUC DE SAINT-AIGNAN
À MADEMOISELLE DE SCUDÉRY.

Du 19e avril 1668.

Ce n’est rien, Mademoiselle, d’être sorti de dessous ce monceau de buffles[2], de pistolets, de bottes et de baudriers, qui marquaient tant la guerre à la veille de la trêve

  1. C’était le nom qui parmi les beaux esprits et dans la société précieuse désignait le duc de Saint-Aignan, et qu’il prenait lui-même, comme on le voit dans ces deux lettres. Artaban, fils de Pompée, est un des principaux personnages et des caractères les plus chevaleresques de la Cléopatre. Ses épithètes ordinaires sont « le fier, le généreux. » C’était une comparaison bien propre à flatter celui que Mme de Sévigné, dans une lettre à Bussy du 3 avril 1675, appelle « le Paladin par excellence, l’honneur de la chevalerie. » Ce qui prouve que c’est bien à l’Artaban de la Cléopatre que le duc de Saint-Aignan emprunte son nom, c’est la manière dont il termine une autre lettre à Mlle de Scudéry, dont M. Rathery a bien voulu nous communiquer une copie : « En vérité, lui dit-il, Artaban trouve plus de gloire à se dire à vous, Mademoiselle, que le fils de Pompée n’en acquit sous ce nom chez les Parthes et les Mèdes. »
  2. Lettre 76 (revue sur l’autographe). — i. On peut lire dans