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1668

Je crois que vous ne savez pas que mon fils[1] est allé en Candie avec M. de Roannès[2] et le comte de Saint-Paul[3]. Cette fantaisie lui est entrée fortement dans la tête. Il l’a dit à M. de Turenne, au cardinal cle Retz, à M. de la Rochefoucauld[4] : voyez quels personnages. Tous ces messieurs l’ont tellement approuvé, que la chose a été résolue et répandue avant que j’en susse rien. Enfin il est parti : j’en ai pleuré amèrement, j’en suis sensiblement affligée ; je n’aurai pas un moment de repos pendant tout ce voyage. J’en vois tous les périls, j’en suis morte ; mais enfin je n’en ai pas été la maîtresse ; et dans ces occasions-là les mères n’ont as beaucoup de voix au chapitre. Adieu, Comte, je suis lasse d’écrire, et non pas de lire tous les endroits tendres et obligeants que vous avez semés dans votre lettre : rien n’est perdu avec moi.


  1. Le baron Charles de Sévigné : voyez la Notice biographique, p. 116. Voyez aussi la lettre de M. de la Provenchère à Bussy (Correspondance de Bussy, tome I, p. 209).
  2. Francois d’Aubusson, comte de la Feuillade, maréchal de France en 1675, nommé pendant quelque temps duc de Roannès, parce qu’il avait épousé (1667) Charlotte, sœur d’Artus Gouffier, duc de Roannès (l’ami de Pascal), qui se démit de ses droits en faveur de son beau-frère, créé duc et pair à cette occasion. Aubusson ne porta son nouveau nom que jusqu’à l’expédition de Candie. Il eut alors du Roi la permission de reprendre, en y joignant le titre de duc, le nom de la Feuillade sous lequel il s’était distingué en Hongrie (1664).
  3. Charles-Paris d’Orléans, né à l’Hôtel de Ville de Paris, le 29 janvier 1649, d’abord comte de Saint-Paul, et en 1671 duc de Longueville par donation de son frère aîné. Il fut tué au passage du Rhin en 1672 : voyez les lettres de Mme de Sévigné à Mme de Grignan des 17 et 20 juin 1672.
  4. L’ami de Mme de la Fayette, l’auteur des Maximes, né en 1613, mort en 1680. Voyez la Notice, p. 138.