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1669


96. — DU COMTE DE BUSSY RABUTIN
À MADAME DE SÉVIGNÉ.

Cette lettre (n° 94) me surprit. J’en trouvai le fond aigre, que la réflexion radoucissoit en quelques endroits. Cela m’obligea de répondre au fond, et point aux réflexions.

À Bussy, ce 6e juin 1669.

Vous me mandez que je vous menace de vous aimer éperdument, que vous vous accommoderiez encore mieux de ma haine que de mon extrême tendresse, que je suis un homme bien excessif, que c’est une chose étrange que je ne puisse trouver de milieu entre vous offenser outrageusement, ou vous aimer plus que ma vie, et que des mouvements si impétueux sentent le fagot.

Voilà bien de l’aigreur, ma belle cousine, et je ne sais si je la mériterois quand je voudrois m’excuser du tort que j’ai eu autrefois avec vous ; mais assurément je n’en suis pas digne aujourd’hui, et vous avez tort à votre tour quand vous insultez un homme qui se condamne, et qui après avoir fait une espèce d’amende honorable, badine avec vous.

Je vous estime assez pour ne pas croire que vous en eussiez usé de la sorte, si l’on ne vous avoit échauffée ; mais je vois bien que vous avez montré ma lettre à M. et à Mme de Grignan, et que Vous avez concerté avec eux la réponse que vous m’avez faite. Elle est trop pleine d’injures contre moi, et de louanges pour lui, pour que

    vilité de son gendre ; et cela me fait étonner combien les passions font faire de fautes aux plus habiles, car le dépit d’un petit reproche fit écrire deux lettres ridicules par deux personnes de beaucoup d’esprit. Mon premier mouvement fut de répondre à Mme de Sévigné ; mais je fus si choqué de ses travers en cette rencontre, que je craignis de lui écrire trop vivement, et il me parut plus sage à moi de laisser tomber cette affaire. » Comparez l’introduction de la lettre suivante.