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Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 1.djvu/578

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1669

97. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ AU COMTE
DE BUSSY RABUTIN.

Six jours après que j’eus écrit cette lettre, je reçus celle-ci de la marquise.

À Paris, ce 9e juin 1669[1].

Ah ! Comte, est-ce vous qui m’avez écrit la lettre que je viens de recevoir ? J’étois si fort étonnée en la lisant que j’en paroissois éperdue ; je ne pouvois croire ce que je voyois. Est-il possible que la plus folle lettre du monde puisse être prise de cette manière par un homme qui entend aussi bien raillerie que vous, et qui sauroit même donner de bonnes explications à une lettre si elle en avoit besoin ? mais je soutiens que la mienne parle toute seule. Vous m’écriviez des folies, et je vous en répondois. Je badinois assez bien, ce me semble, sur les extrémités dont vous êtes capable sur mon sujet ; je les exagérois pour mieux badiner ; je trouvois que votre cœur étoit si loin de l’indifférence et si fort accoutumé à n’avoir que de la passion, ou de haine, ou de tendresse pour moi, que c’étoit justement à dire qu’il étoit né pour avoir de l’amour. Dit-on ces choses-là sérieusement ? Et pour l’expression de sentir le fagot, que vous avez prise dans toute sa force, je vous le pardonne. Vous avez été autrefois dans une cabale où il n’en falloit rien diminuer[2] ; mais je pensois que vous sussiez qu’on l’avoit rendue un peu

  1. Lettre 97. — i. Il y a, comme l’on voit, une erreur soit dans la date de la lettre, soit dans l’introduction : dans l’introduction sans doute ; il n’y a de cette lettre à la suivante, comme à la précédente, que trois jours d’intervalle.
  2. C’est une allusion aux gens décriés pour leur libertinage que Bussy fréquentait autrefois, et particulièrement à l’aventure de Roissy, qu’il raconte lui-même dans ses Mémoires (tome II, p. 89-93).