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1669

vous soyez d’assez bonne humeur pour vous laisser battre, je vous ferai rendre votre épée aussi franchement que vous l’avez fait rendre autrefois à d’autres. Vous voyez que je n’ai pas oublié la journée des combats singuliers[1], ou pour mieux dire, tout le voyage, dont je fais si souvent une très-agréable commémoration. Vous croyez bien que, m’en souvenant comme je fais, je n’ai pas de peine à croire que personne n’a plus d’esprit que vous ; et c’est aussi ce qui m’a fait crier miséricorde, quand j’ai cru vous avoir vu moins badin, et moins intelligent qu’à l’ordinaire. Je finis cette guerre jusqu’à ce que nous soyons en présence.

Cependant souvenez-vous que je vous ai toujours aimé naturellement, et que je ne vous ai jamais haï que par accident.


100. — DU COMTE DE BUSSY RABUTIN
À MADAME DE SÉVIGNÉ.

Le même jour que je reçus cette lettre, j’y fis cette réponse.

À Bussy, ce 12e août 1669.

Il n’est pas nécessaire que nous soyons en présence, ma chère cousine, pour que je vous rende les armes. Je vous enverrai de cinquante lieues mon épée, et l’amitié me fera faire ce que la crainte fait faire aux autres ; mais vous étendez un peu vos privilèges, et vous avez raison, à mon avis, de la même chose où tout le monde auroit tort.

Comptez-moi cela : il en vaut bien la peine, et vous pouvez

  1. Lettre 99. — i. On a rapproché ces mots d’une plaisanterie sur laquelle Mme de Sévigné et son cousin reviennent plusieurs fois dans les lettres de l’année précédente (voyez celles de la fin d’août et du commencement de septembre). Ne serait-ce pas plutôt une allusion à quelque circonstance de ce voyage que Mme de Sévigné rappelle dans la lettre du 26 juillet 1668, et Bussy dans celle du 21 novembre 1666 ?