Aller au contenu

Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 1.djvu/71

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
41
SUR MADAME DE SÉVIGNÉ.


que l’on a su avec certitude que mademoiselle de Sévigné était née le 10 octobre 1646. Mais ce qu’établit le texte même de la lettre de Bussy, c’est qu’il n’était pas alors à Paris (peut-être était-il en Bourgogne, à Chaseu), et que madame de Sévigné était aux Rochers.

M. et madame de Sévigné allèrent passer l’automne de cette même année 1648 chez leur oncle Jacques de Neuchèze, qui les avait mariés, comme nous l’avons dit, et était le parrain de leur fille. Il les reçut dans son abbaye de Ferrières, située sur les bords du Loing, un peu au nord de Montargis, et l’une des plus anciennes du royaume. Là (c’est Bussy qui nous l’apprend) on ne faisait pas trop mauvaise chère. Il y avait un certain maître Crochet, cuisinier de monseigneur l’évêque de Chalon, dont les soupes donnaient du dégoût pour toutes les autres. Le 15 octobre, Bussy alla rejoindre à Ferrières les aimables hôtes de Jacques de Neuchèze[1]. Il avait besoin de s’égayer un peu après ses mésaventures de cette année. Veuf depuis deux ans, il avait eu le désir de se remarier et avait jeté les yeux sur une jeune veuve qui avait, disait-on, quatre cent mille écus de bien, aussi belle d’ailleurs que vertueuse. Il mit un peu trop de vivacité dans la poursuite d’un si sage projet. L’enlèvement à main armée et la séquestration de cette veuve, qui était la célèbre madame de Miramion, n’avaient pas eu tout le succès qu’il s’en était promis. Il avait dû en frémissant lâcher sa proie, et quand il arriva à l’abbaye de Ferrières, il n’était pas encore tout à fait délivré des soucis que lui avaient donnés les poursuites d’une famille si cruellement offensée. Une lettre que sa mère lui écrivit pour le presser de revenir à Paris terminer l’accommodement de cette fâcheuse affaire, l’obligea de ne rester que six jours dans la compagnie de sa jolie cousine, près de laquelle, dit-il dans ses Mémoires, il aurait volontiers demeuré bien davantage. Le 16 novembre il écrivit de Paris à Sévigné et à sa femme, qui étaient toujours à l’abbaye, leur déclarant que, s’ils ne revenaient bientôt, il irait les retrouver, et qu’il ne souffrirait pas qu’ils revinssent l’un sans l’autre. Son désir de les revoir tous deux eut bientôt satisfaction, puisque d’Ormesson, dans son Journal, a noté que

  1. Mémoires de Bussy, tome I, p. 171.