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NOTICE BIOGRAPHIQUE


dénouement aussi pacifique. Il avait affaire cette fois à « un fort joli garçon qui tuait très bien son monde[1], » et qui, après avoir frappé avec l’épée, devait un jour périr par l’épée[2]. C’était le chevalier d’Albret, frère de ce galant Miossens qui fut plus tard maréchal d’Albret. Le chevalier allait aussi chez madame de Gondran ; mais il y était moins bien traité que Sévigné. On lui rapporta que le marquis l’avait raillé à ce sujet. Il envoya son ami Soyecour demander des explications à son rival. Celui-ci nia les discours qu’on lui avait prêtés, mais pour rendre hommage, dit-il, à la vérité, non pour se justifier, ce qu’il ne faisait jamais que l’épée à la main[3]. On se battit derrière Picpus. C’était le 4 février 1652. Après quelques instants de combat, Sévigné, s’étant enferré lui-même, tomba. On le rapporta à Paris, où il expira le surlendemain 6 février, à l’âge de trente-deux ans[4]. Il mourut peu regretté. Les larmes burlesques de Gondran ne peuvent pas compter. Celles de madame de Sévigné, quoique également offensée, sont respectables. Nous n’aimerions pas beaucoup cependant que, n’ayant de lui ni portrait ni lettres, elle se fût adressée à madame de Gondran, plus heureuse qu’elle. Mais Tallemant, qui le dit, aime les bons contes.

La douleur de la jeune veuve fut alors un fait bien connu dans le monde. Loret en avait entendu parler et le constate dans ces vers :


Sévigné, veuve jeune et belle,
Comme une chaste tourterelle,
Ayant d’un cœur triste et marri
Lamenté monsieur son mari, etc.[5].


Bussy dit également « qu’elle parut inconsolable de sa mort. » En vain il ajoute que « les sujets de le haïr étant connus de

  1. Tallemant, Historiette de Sévigny et de sa femme.
  2. Le chevalier d’Albret fut tué en duel en 1672, par Saint-Léger- Corbon. (Mémoires de Saint—Simon, tome XIII, p. 10.)
  3. Mémoires de Conrart, p. 186.
  4. C’est la date et l’âge gravés sur son cercueil, qu’on a trouvé dans les caveaux de l’église des Filles de la Visitation, rue Saint-Antoine.
  5. Muse historique, tome I, p. 179.