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Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 10.djvu/142

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1694

* 1370. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À LA COMTESSE DE GUITAUT.

Vendredi 12e février 1694.

Que je vous obéis de bon cœur, Madame, et que je suis touchée des histoires que vous me contez de ces pauvres gens qui meurent de faim ! On pourroit vous en conter de plus pitoyables encore, et en plus grande quantité ; mais il faut s’attacher principalement à ceux que nous pouvons et devons secourir ; et comme il n’est pas aisé de vivre d’espérance dans ces pressants besoins, je vous envoie un billet pour Lapierre[1], qui donnera à Monsieur notre curé, à qui j’écris, vingt boisseaux de blé et de seigle, c’est-à-dire moitié l’un, moitié l’autre. Je serai trop bien récompensée, dès ce monde-ci, de cette aumône, si M. l’abbé Tribolet me délivre des plaintes de mon fermier et même de M. Boucard sur la grêle, en offrant de me donner un autre fermier : cela ferme la bouche et me fait un bien dont je ne puis assez le remercier. Je n’ai point encore reçu mon terme de Noël ; ce payement ira encore bien loin, car comme c’est par une lettre de change sur un marchand, il y a tant de jours et de mystères avant que de toucher son argent, qu’on se trouve insensiblement dans le rang des pauvres. Je ne puis vous dire à quel point je suis incommodée de ce retardement.

Je trouve qu’Hébert ne se presse pas beaucoup aussi de finir ce compte.

Pour M. Poussy, il dit qu’il est malade.

Enfin, ma chère Madame, rien ne finit que la patience, car on en trouve le bout fort souvent. Cependant, malgré les misères, qui sont extrêmes, on ne laisse pas de se

  1. Lettre 1370 (revue sur l’autographe). — 1. Le nouveau fermier. Voyez la lettre du 31 mars suivant, p. 139.