Aller au contenu

Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 10.djvu/393

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


renouveler ma douleur, en me parlant de la doulou reuse perte que j'ai faite. C`est un objet que mon esprit ne perd pas de vue, et qu`il trouve si vivement gravé dans mon cœur, que rien ne peut ni l'augmenter, ni le diminuer. Je suis trés-persuadée, Monsieur, que vous ne sauriez avoir appris le malheur épouvantable qui m`est arrivé, sans répandre des larmes : la bonté de votre cœur m'en répond. Vous perdez une amie d`un mérite et d'une fidélité incomparable : rien n`est plus digne de vos regrets ; et moi, Monsieur, que ne perdè-je[1] point ! quelles perfections ne réunissoit-elle point, pour être à mon égard, par différents caractères, plus chère et plus précieuse ! Une perte si complète et si irréparable ne porte pas à chercher de consolation ailleurs que dans l’amertume des larmes et des gémissements. Je n`ai point la force de lever les yeux assez haut pour trouver le lieu d'où doit venir le secours ; je ne puis encore tourner mes regards qu'autour de moi, et je n`y vois plus cette personne qui m'a comblée de biens, qui n'a eu d`attention qu'à me donner tous les jours de nouvelles marques de son tendre attachement, avec l'agrément de la société. lI est bien vrai, Monsieur, il faut une force plus qu'humaine pour soutenir une si cruelle séparation et tant de privation. J’étois bien loin d'y être préparée : la parfaite

    tion de I773, où elle a paru d’abord. C’est évidemment une erreur, ou aura pris le 2 pour un I. Voyez ci-dessus, p. 241, note 1, et p. 172, note 9, fin. Afin qu’il ne reste aucun doute sur le jour où Mme de Sévigné fut enlevée à sa famille et à ses amis, on a consulté les registres de l'église collégiale de Saint-Sauveur à Grignan, sur lesquels on lit ce qui suit : Le dix-huit avril mil six cent nonante-six, a été ensevelie dans le tombeau de la maison de Grignan, dame Marie de Rabutin Chantal, marquise de Sévigné, décédée le jour précédent, munie de tous ses sacrements, âgée d'environ septante ans. Signé de Lubac, curé. de Lubac, curé, Jacomin et Coulon. (Note de l’édition de 1818.)

  1. 2 Tel est le texte de la première édition (1773).