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1691

1332. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À COULANGES.

À Grignan, le 14e août.

Venez çà que je vous embrasse, que je vous caresse, et que je vous dise que ma fille, dont vous estimez tant l’approbation est charmée des deux petits couplets que vous avez faits sur le saint-père[1] :

Son nom, ses armes sont des pots,
Une Caraffe étoit sa mère[2].

Je ne crois pas que rien puisse être si plaisamment imaginé, ni si bien mis en œuvre ; nous en avons tous été ravis. Mais, mon cher cousin, M. le duc de Chaulnes, dans sa lettre du 20e juillet, ne nous dit pas un mot de M. de Louvois[3] : il me semble qu’on doit à cette mort

  1. Lettre 1332. — 1. Voici Les deux couplets de Coulanges, tels qu’il les donne dans ses Mémoires, p. 255 et 256 ; ils ne sont pas dans le recueil imprimé de ses poésies.

    Notre pape est Napolitain,
    Mais c’est un saint, ce qui s’appelle,
    Qui veut de l’empire romain
    Chasser à jamais la donzelle,
    Bannir les jeux, les opéra,
    Le carnaval, et cetera.

    Mais au moins de boire en repos
    Nous permettra-t-il, le saint-père :
    Son nom, ses armes sont des pots,
    Une Caraffe étoit sa mère ;
    Pour moi, je veux avec éclat
    Célébrer son pontificat. (Note de l’édition de 1818.)

  2. 2. En italien, pignattello, diminutif de pignatto. pignatta, signifie petit pot ; la maison des Pignatelli portait pour armes trois petits pots. La mère d’Innocent XII était de la maison Caraffa. (lbidem.) — Le jour de son couronnement le nouveau pape fit jeter au peuple des médailles sur lesquelles les trois pots étaient représentés remplis d’argent et renversés, avec ces mots : Nihil pro me. (Note des Mémoires de Coulonges, p. 255.)
  3. 3. Louvois était mort le 16 juillet ; le duc de Chaulnes ne pouvait guère en être instruit à Rome le 20.