Aller au contenu

Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 11.djvu/414

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

3a8 GH. DE SÉVIGNÉ Eï DACIER

d’Horace dans VJrt poétique: c’est justement comme si l’on vouloit prouver par le livre du chevalier de Clerville qui traite de l’art militaire, que M. Godeau dans son Histoire de l’ Église, s’est servi du mot « canon» pour signifier une machine de guerre, et non pas un décret des conciles.

M. D** me fait dire qu’Horace ordonne de chercher l’action

d’une tragédie dans la guerre de Troie, par la facilité qu’il y a d’en faire une bonne pièce de théâtre. Je réponds à M. D** que si j’avois dit cela, j’aurois dit une grande sottise. Puisqu’on m’attribue cette pensée, j’en puis parler comme il me plaira nous verrons tantôt à qui elle appartient. Je suis bien malheureux que M. D** ne daigne pas seulement lire ce que j’écris. Je veux dans ma réponse à son premier écrit établir nettement la question, afin d’empècher, s’il se peut, que M. D** ne me donne Je change, comme il fait presque toujours. JVoici mes propres paroles « Il s’agit donc uniquementde savoir si Horace ordonne de chercher l’action d’une tra- gédie dans la guerre de Troie, par la facilité qu’il y a d’en faire une bonne pièce de théâtre, plutôt que d’inventer un sujet nouveau, à cause de la peine qu’on aura à y réussir.» Est-ce là décider qu’Horace ordonne de choisir la guerre de Troie, parce qu’il est aisé d’en faire une bonne tragédie? J’ai au contraire toujours soutenu, et je soutiens encore qu’il est bien plus difficile de faire une bonne pièce de théâtre d’un sujet connu, que d’un sujet inventé et chimérique. J’en dirai les raisons en peu de mots, et par là je répondrai à beaucoup de choses du dernier écrit que je ne crois pas devoir traiter en particulier ce seroit voler le papillon 3.

Horace ordonne généralement aux poëtes de soutenir tous les ca-

ractères qu’ils mettront sur la scène, soit connus, soit inventés. Cette règle est commune à tous, et il n’est pas permis de s’en écarter sans se rendre ridicule. Cette vérité étant supposée, je dis qu’il est aisé de représenter sur le théâtre un guerrier ambitieux, à qui on donnera, par exemple, le nom d’Mcidor, et que, pourvu qu’il soutienne son caractère de guerrier et d’ambitieux, depuis le premier versj usqu’ati dernier, on aura entièrement satisfait au précepte d’Horace. Il y a ï. Louis-Nicolas chevalier de Clerville, célèbre ingénieur, mort en 1677

Tl précéda Vauban dans la charge de commissaire général des fortifications, qui avait été créée pour lui. H est auteur de divers ouvrages se rapportant pour la plupart à des travaux de génie.

2. Jean Godeau, évêque de Grasse, né en i6o5^ mort en 1672. Son Histoire

de l’Église parut en i653.

3. Se disait sans doute d’abord de l’oiseau qui, au lieu de voler le gibier,

s’amusait à voler le papillon. Voyez un exemple de cette phrase proverbiale dans Tallemaat des Réaux, tome VII, p. 5g.