Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 2.djvu/105

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 99 —

1671

cela étoit d’une vraie petite dévote de lui donner un repas. Il est de Marseille, et a trouvé fort bon d’entendre parler de Provence. J’ai su encore par d’autres voies que vous avez eu trois ou quatre démêlés à votre avènement. Ma fille, l’humanité ne parvient pas à ne point avoir de ces malheurs en province. Je ne veux point vous dire mon avis sur ce qu’on m’a conté ; car peut-être qu’il n’y a rien de vrai.

J’ai demandé à ce gentilhomme si vous n’étiez point bien fatiguée ; il m’a dit que vous étiez très-belle ; mais vous savez que mes yeux pour vous sont plus justes que ceux des autres : je pourrois bien vous trouver abattue et fatiguée au travers de leurs approbations. J’ai été enrhumée ces jours-ci, et j’ai gardé ma chambre, presque tous vos amis ont pris ce temps-là pour me venir voir. L’abbé Têtu[1] m’a fort priée de le distinguer en vous écrivant. Je n’ai jamais vu une personne absente être si vive dans tous les cœurs ; c’étoit à vous qu’étoit réservé ce miracle. Vous savez comme nous avons toujours trouvé qu’on se passoit bien des gens ; on ne se passe point de vous. Je passe ma vie à parler de vous ; ceux qui m’écoutent le mieux sont ceux que je cherche le plus. N’allez point craindre que je sois ridicule ; car outre que le sujet ne l’est pas, c’est que je connois par-


    alors Mme de Sévigné, était de cette paroisse, ainsi que la rue Sainte-Anastase où elle loua une maison l’année suivante. C’est à Saint-Gervais qu’elle avait été mariée vingt-sept ans auparavant.

  1. 7. Jacques Têtu, abbé de Belval, membre de l’Académie française depuis 1665, auteur des Stances chrétiennes sur divers passages de f Écriture sainte et des Pères. Sa faconde lui avait fait donner le sobriquet de Têtu-tais-toi. C’était un abbé fort mondain, très-lié avec les dames les plus célèbres de son temps, en quartier d’été à Fontevrault, et d’hiver auprès de Mme de Coulanges : voyez la Notice, p. 141, les Souvenirs de Mme de Caylus, tome LXVI, p. 414 et suivante, et l’une des dernières notes de la lettre du 23 décembre 1671. Il mourut en 1706.