1671
la lui donne. Je comprends pourtant qu’il peut fort bien être accablé ainsi que vous ; ma colère ne tient à guère, et ma tendresse pour vous deux tient à beaucoup. Tout ce que vous me mandez est très-plaisant ; c’est dommage que vous n’ayez eu le temps d’en dire davantage. Mon Dieu, que j’ai d’envie de recevoir de vos lettres ! Il y a déjà près d’une demi-heure que je n’en ai reçu. Je ne sais aucune nouvelle. Le Roi se porte fort bien ; il va de Versailles à Saint-Germain, de Saint-Germain à Versailles. Tout est comme il étoit. La Reine fait souvent ses dévotions, et va au salut du saint sacrement[1]. Le P. Bourdaloue prêche : bon Dieu ! tout est au-dessous des louanges qu’il mérite. L’autre jour notre abbé y[2] eut un démêlé avec Monsieur de Noyon[3], qui lui dit qu’il devoit bien quitter sa place à un homme de la maison de Clermont. On a fort ri de ce titre, pour avoir la place d’un abbé à l’église. On a bien reconté là-dessus toutes les clefs[4] de la maison de Tonnerre, et toute la science sur la pairie.
- ↑ 10. La Gazette, en ce temps-là, mentionne presque tous les jours quelque pieuse visite de la Reine aux églises et aux couvents.
- ↑ 11. Les éditeurs, à qui cet emploi de l’adverbe, très-hardi, je l’avoue, a paru obscur, y ont substitué les mots avant le sermon.
- ↑ 12. François de Clermont Tonnerre (second fils du comte de Clermont Tonnerre et de Marie Vignier), évêque et comte de Noyon (1661), pair de France, mort à soixante-douze ans en 1701. Il fut reçu à l’Académie française en 1694, et y fonda un prix de poésie. (Voyez de curieux détails sur son élection et sa réception, dans l'Histoire de l’Académie de M. P. Mesnard, p. 42 à 44.) Ce prélat réunissait dans sa personne tous les genres de vanité, et comme par là il prêtait beaucoup à la raillerie, on s’est plu à lui attribuer toutes les anecdotes qui pouvaient rendre ce ridicule plus achevé.
- ↑ 13. Les armes de la maison de Clermont sont : de gueules à deux clefs d’argent adossées et passées en sautoir. Elle les tient de la reconnaissance du pape Calixte II. Saint-Simon, tome I, p. 107, raconte que l’évêque de Noyon avait rempli de ses armes toute sa maison, jusqu’aux plafonds et aux planchers. « Des clefs partout, ajoute-t-il, jusque sur le tabernacle de sa chapelle ». — Dans l’édition de 1754,