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qui est dedans est une vraie radoterie. Vous êtes bien en peine de ce rhume. Ce fut aussi dans cette lettre-là que je voulus vous en parler.

Il est vrai que j’aime votre fille ; mais vous êtes une friponne de me parler de jalousie ; il n’y a ni en vous ni en moi de quoi la pouvoir composer. C’est une imperfection dont vous n’êtes point capable, et je ne vous en donne non plus de sujet que M. de Grignan. Hélas ! quand on trouve en son cœur toutes les préférences, et que rien n’est en comparaison, de quoi pourroit-on donner de la jalousie à la jalousie même ? Ne parlons point de cette passion ; je la déteste : quoiqu’elle vienne d’un fonds adorable, les effets en sont trop cruels et trop haïssables.

Je vous prie de ne point faire des songes si tristes de moi : cela vous émeut et vous trouble. Hélas ! ma bonne, je suis persuadée que vous n’êtes que trop vive et trop sensible sur ma vie et sur ma santé ; vous l’avez toujours été, et je vous conjure aussi, comme j’ai toujours fait, de n’en être point en peine. J’ai une santé au-dessus de toutes les craintes ordinaires ; je vivrai pour vous aimer, et j’abandonne ma vie à cette occupation, et à toute la joie, et à toute la douceur, à tous les égarements, et à toutes les mortelles inquiétudes, et enfin à tous les sentiments que cette passion me pourra donner.

Je vous enverrai des mémoires pour la fondation ; vous avez raison de ne la point encore prendre légèrement. Je vous remercie du soin que vous aurez de cela.

Mme de Verneuil a été très-mal à Verneuil de sa néphrétique. Elle est accouchée d’un enfant que l’on a nommé Pierre, car ce n’est pas Pierrot[1], tant il étoit gros. Faites-lui des compliments par l’abbé.

  1. 4. Allusion au prénom du chancelier Seguier, dont Mme de Verneuil était fille. — Voyez la note 4 de la lettre 59.