Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 2.djvu/223

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 217 —

1671

lui dire adieu, et à l’effigie de Mme de Montausier. Si j’avois le temps, je vous conterois les gentillesses qu’elle me dit ; mais j’ai été accablée ce matin d’adieux et d’affaires. Je m’en vais dire les miens en Lavardin. Je ferai mon paquet ce soir, j’aurai plus de loisir. Je finis donc cette feuille en vous embrassant mille fois, avec une si vive et si extrême tendresse, que je ne pense pas qu’il y en ait au monde une pareille.

Vendredi au soir, 15e mai (chez
M. de la Rochefoucauld).

Je suis auprès d’un homme qui vous aime, et qui vous conjure de le croire. Il a pris un grand plaisir à entendre la peinture de vos galériens de Marseille. Mme de la Fayette me dicte beaucoup de belles choses que je ne vous dirai point. Nous avons été nous promener chez Faverole[1], à Issy, où les rossignols, l’épine blanche, les lilas, les fontaines et le beau temps nous ont donné tous les plaisirs innocents qu’on peut avoir. C’est un lieu où je vous ai vue ; cela nourrit fort la tendresse. Nous y vîmes une fois un chat qui voulut arracher les deux yeux de Mme de la Fayette, et pensa bien d’en passer son envie, si vous vous en souvenez. J’ai dit adieu à toutes les beautés de ce pays : je m’en vais dans un autre bien rude : il n’y en a point, ma bonne, où je ne trouve le moyen de penser uniquement à vous. J’ai recommandé ma petite enfant à Mme Amelot, à Mme d’Ormesson, et surtout à Mme du Puy-du-Fou, avec qui je fus hier deux heures ; elle en aura soin comme de la sienne. J’ai pris congé des Uzès[2] et de mille autres.

  1. 3. Est-ce celui qui en 1669 était un des échevins de Paris ?
  2. 4. Il s’agit vraisemblablement de la famille de François de Crussol, duc d’Uzès, pair de France, chevalier des ordres du Roi en 1661, chevalier d’honneur de la reine Anne d’Autriche, mort le 14 juillet 1680 à quatre-vingts ans. Il fut séparé de sa première femme,