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pue par les chemins ; mes arcs sont forgés de la main de Vulcain : à moins que de venir de cette fournaise, ils n’auroient pas résisté au troisième voyage de Bretagne qu’ils ont eu l’honneur de faire. Ce que vous voulez dire, c’est qu’un de mes chevaux, le plus beau de France, est demeuré à Nogent[1], et y mourra, selon ce qu’on m’en écrit : c’est cela qui vous a trompée.

Vous êtes grosse assurément d’un garçon ; je vous remercie de cette confidence ; je n’en abuserai pas. Je vous avoue que je l’aimerai fort, et qu’en faveur de ce Dauphin, je demanderai une grâce à M. de Grignan qu’il ne doit pas me refuser, pour votre enfant, qui est la même chose. La nourrice ne couche point avec son mari ; ce seroit tenter Dieu ; nous savons bien ce qui en arrive. C’est Marie[2] qui couche avec la nourrice et qui a soin de veiller à tout : en vérité, je ne crois pas qu’ils voulussent nous faire un tel affront.

Il est vrai, ma bonne, que j’eus, il y a quelque temps, une colique très-fâcheuse ; mais j’admire M. d’Hacqueville de vous avoir écrit que je ne lui avois point mandé. Ce qui est plaisant, c’est qu’il a eu tort en cette occasion ; et comme il a gagé d’être parfait, il n’a point osé pousser la justification avec moi, et se veut racquitter auprès de vous en disant que j’ai eu tort. Je n’en puis jamais avoir avec lui sur le chapitre de l’amitié : je l’aime tendrement, et son amitié m’est un trésor inestimable. Voici comme la chose se passa, il vaut autant dire cela qu’autre chose. J’allois à la messe à onze heures, en calèche, avec ma tante[3]. À moi-

  1. 2. Nogent-le-Rotrou, capitale du haut Perche, à vingt-sept lieues de Paris, sur la route de Chartres.
  2. 3. Une des femmes de Mme de Sévigné, fille de Mme Paul, la jardinière de Livry : voyez les lettres du 30 mai, du 2 juin 1672 et, du 13 octobre 1675.
  3. 4. Mme de la Trousse.