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savoir à qui elle doit être. Le Roi me la dispute. Quand on saura à qui elle doit demeurer, si c’est à moi, j’en aurai du soin[1]. » Voilà de quelle manière il sollicite ses juges.

Vous verrez, par cette lettre de Monsieur de Marseille, que nous sommes toujours amis : il me semble que j’ai reçu plus de dix fois cette même lettre. Il ne donne point dans la justice de croire ; mais il me prie d’être persuadée qu’il est, avec une vénération extraordinaire, l’évêque de Marseille ; et je le crois. Continuez l’amitié sincère qui est entre vous ; ne levez point le masque, et ne vous chargez point d’avoir une haine à soutenir : c’est une plus grande affaire que vous ne pensez.

Je ne puis m’empêcher de vous dire que vos lettres sont telles qu’on le peut souhaiter de toutes façons ; je les sais bien entendre et bien lire ; mais ne craignez point d’arrêter trop à de certains endroits ; vous êtes bien loin de ce défaut ; au contraire on voudroit quelquefois quelque chose de plus. Je parle en général ; car pour moi, je trouve toujours que vous m’en dites assez. Vous ne sauriez trop dire de détails pour me contenter ; tout m’est cher, tout m’est agréable : cependant quelque joie que me donnent vos lettres, je voudrois que vous n’écrivissiez point, tant je crains que cela ne vous fatigue, et votre santé m’est plus chère que tous les plaisirs qu’elles me donnent.

Quelle audace de vous faire peindre ! Je m’en réjouis, c’est signe que vous êtes belle. Ce que vous dites sur l’abbé Têtu est admirable ; vous n’êtes pas la seule qui trouve son voyage ridicule. Vous faites des merveilles, vous êtes aimée de tout le monde, et il me semble que je vous vois valoir mieux ; c’est que vous ne valiez maille derrière moi, comme dit M. de la Rochefoucauld.

  1. 9. Mot de Thomas Morus. (Note de Perrin.)