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jours avec impatience ; mais, de bonne foi, j’en écris souvent d’une longueur trop excessive, je veux que celle-ci soit raisonnable. Il n’est pas juste de juger de vous par moi : cette mesure est téméraire ; vous avez moins de loisir que moi.

Voilà Mlle du Plessis qui entre ; elle me plante ce baiser que vous connoissez, et me presse de lui montrer l’endroit de vos lettres où vous parlez d’elle. Mon fils a eu l’insolence de lui dire devant moi que vous vous souveniez d’elle fort agréablement, et me dit : « Montrez-lui l’endroit, Madame, afin qu’elle n’en doute pas. » Me voilà rouge comme vous, quand vous pensez aux péchés des autres. Je suis contrainte de mentir mille fois[1], et de dire que j’ai brûlé votre lettre. Voilà les malices de ce guidon[2]. En récompense, je lui dis l’autre jour que si vous répondiez au dessus de la reine d’Aragon[3], j’étois fort assurée que vous ne mettriez pas à Guidon le Sauvage.

J’ai reçu une lettre de Guitaut fort douce et fort honnête. Il me mande qu’il a trouvé en moi depuis quelque temps mille bonnes choses à quoi il n’avoit pas pensé ; et moi, de peur de lui répondre sottement que je crains bien de détruire cette bonne opinion, je lui dis que j’espère qu’il en mettra encore bien d’autres, quand il me connoîtra mieux. Je reçois toutes les extravagances qui se présentent à moi, plutôt que ces selles à tous chevaux dont nous avons tant ri ici. Je suis persuadée que vous vous aiderez fort bien de Mme de Simiane. Il faut ôter l’air et le ton de compagnie le plus tôt que l’on peut, et les faire

  1. 3. On lit dans le manuscrit : « De démentir mille fois. »
  2. 4. Charles de Sévigné était guidon des gendarmes-Dauphin. Voyez la Notice, p. 205.
  3. 5. Dessus signifie suscription. Sévigné avait mis cette adresse sur une lettre à sa sœur.