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vices. Si vous le revoyez, ne le recevez point, ne le protégez point, ne me blâmez point, et songez que c’est le garçon du monde qui aime le moins à faner, et qui est le plus indigne qu’on le traite bien.

Voilà l’histoire en peu de mots. Pour moi, j’aime les narrations où l’on ne dit que ce qui est nécessaire, où l’on ne s’écarte point ni à droite, ni à gauche, où l’on ne reprend point les choses de si loin ; enfin je crois que c’est ici, sans vanité, le modèle des narrations agréables[1].


188. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

Aux Rochers, dimanche 26e juillet.

Je vous écris deux fois la semaine, ma bonne fille, soit dit en passant, et sans reproche, car j’y prends beaucoup de plaisir. Pour aujourd’hui, je commence ma lettre un peu par provision ; elle ne partira que demain[2], et en la fermant j’y ajouterai encore un mot.

Vous saurez donc qu’hier vendredi j’étois toute seule dans ma chambre avec un livre précieusement à la main. Je vois ouvrir ma porte par une grande femme de très-bonne mine ; cette femme s’étouffoit de rire, et cachoit derrière elle un homme qui rioit encore plus fort qu’elle ; cet

  1. 3. Les contemporains portèrent le même jugement sur cette lettre, connue sous le nom de Lettre des foins ou de la prairie, et qui a été imprimée pour la première fois en 1815. Mme de Thianges, qui en avoit ouï parler, l’envoya demander à Mme de Coulanges : voyez la lettre du 10 avril 1673.
  2. Lettre 188 (revue sur une ancienne copie). — 1. Nous voyons deux lignes plus bas que la lettre, quoique datée du dimanche 26, a été commencée le samedi 25.