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ou de craindre qu’ils ne viennent ici : c’est un embarras, comme dit Mme de la Fayette. Mon esprit n’est plus monté sur ce ton-là ; mais il faut avaler et passer ce temps comme les autres. Mme de Chaulnes fut ravie d’être deux jours ici. Ce qui lui paroissoit de plus charmant, c’étoit mon absence : c’étoit aussi le régal que je lui avois promis. Elle se promenoit dès sept heures du matin toute seule dans ces bois. L’après-dînée il y eut un bal de paysans devant cette porte, qui nous réjouit extrêmement. Il y avoit un homme et une femme qu’on auroit empêchés de danser dans une république bien réglée : c’étoient des postures à pâmer de rire ; Pomenars crioit, n’ayant plus la force de parler. Je ne finirois point sur son chapitre : il ne fait pas un pas qui ne puisse être le dernier, et l’on ne le quitte point qu’on ne lui puisse dire adieu. Tout disparut lundi matin, et je demeurai contente.

Vous aurez M. de Vardes quand vous recevrez cette lettre. Faites-lui bien mes baisemains, s’il m’aime encore autant qu’à Aix. Mandez-moi si sa patience n’est pas usée ; s’il doit sa constance à la philosophie ou à l’habitude ; enfin parlez-moi de lui.

Vous répétez[1] sur moi des leçons de silence qui ne sont point à leur place. Il nous sembloit à Paris que l’étoile de Mlle de Toiras pâlissoit. Si elle eût été assez forte pour lui donner un tel mari[2], elle auroit bien dû se moquer de toutes les beautés. Hélas ! aurez-vous celle de votre tante d’Harcourt ? Que je vous plains ! Il faudroit encore mettre au bout de toutes les questions qu’on leur fait, où elles répondent non, une autre qu’on leur fait toujours inté-

  1. Lettre 189 (revue sur une ancienne copie). — 1. Tel est le texte de notre manuscrit. Dans l’édition de la Haye, la seule où cet alinéa et le suivant soient imprimés, on lit : vous rejetez.
  2. 2. Vardes, veuf depuis 1661 de Catherine de Nicolaï, qu’il avait épousée en 1656. Voyez la lettre du 1er avril 1672.