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est bien pire que les portes basses et les grandes cheminées. Il vous faut du courage comme à la guerre, et un Jacquier[1] qui prenne en parti le pain de munition. Ma lettre vous trouvera, comme Dulcinée, dans l’agitation du mouvement de cette compagnie : gardez-la, je dis ma lettre, et puis vous la lirez à loisir[2]. Vous me priez, ma bonne, de me promener dans votre cœur ; vous me dites mille douceurs aimables sur cela. Je vous dirai donc que je fais quelquefois cette promenade ; je la trouve belle et très-agréable pour moi : mais à la pareille, ma bonne, je vous conjure civilement de venir vous promener chez moi. Allez partout, et voyez bien s’il y a quelqu’un qui se promène à côté de vous, et si vous n’y êtes pas plus respectée que dans votre gouvernement. Si cela vous donne quelque joie, vous devez être contente ; mais, mon Dieu ! cela ne fait point le bonheur de la vie : il y a de certaines grossièretés solides dont on ne peut se passer.

Que dites-vous des nouvelles de cette semaine ? Nous ne demandons que plaie et bosse ; mais, en vérité, je trouve que cette fois il y en a trop. La mort de Monsieur du Mans m’a assommée ; je n’y avois jamais pensé, non plus que lui ; et de la manière dont je le voyois vivre, il ne me tomboit pas dans l’imagination qu’il pût mourir.

  1. 2. Fameux munitionnaire des armées. (Note de 1726.) — Prendre en parti, c’est se charger de fournir en vertu d’un traité. Le mot parti signifie « un traité que l’on fait pour des affaires de finances. » (Dictionnaire de l’Académie de 1694.)
  2. 3. Sancho raconte à Don Quichotte que Dulcinée, quand il lui a apporté sa lettre, était occupée à vanner du blé, et qu’elle lui dit de placer cette lettre sur un sac qui se trouvait là : « Je ne peux pas la lire que je n’aie fini. » À ces mots : « Ô la discrète dame, s’écria le chevalier, c’était afin de lire tout à loisir et y prendre du contentement. » Voyez la traduction de Dom Quixotte de Cæsar Oudin, tome I, IVe partie, chap. xxxi.