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moi dans la ville, quoiqu’elle soit toute pleine. Il y a, de votre connoissance, Tonquedec, le comte des Chapelles[1], Pomenars, l’abbé de Montigny[2], qui est évêque de Saint-Pol-de-Léon, et mille autres ; mais ceux-là me parlent de vous, et nous rions un peu de notre prochain. Il est plaisant ici le prochain, particulièrement quand on a dîné ; je n’ai jamais vu tant de bonne chère. Mme de Coetquen est ici avec sa fièvre, Chésières se porte mieux : on a député des états pour lui faire un compliment. Nous sommes polis autant pour le moins que le poli Lavardin : on l’adore ici, c’est un gros mérite qui ressemble au vin de Graves[3]. Mon abbé bâtit, et ne veut pas venir s’établir à Vitré ; il y vient dîner. Pour moi, j’y serai encore jusqu’à lundi ; et puis j’irai passer huit jours dans ma pauvre solitude, et puis je reviendrai dire adieu ; car la fin du mois verra la fin de tout ceci. Notre présent est déjà fait, il y a plus de huit jours : on a demandé trois millions ; nous avons offert sans chicane deux millions cinq

  1. 7. Le comte des Chapelles, petit-fils de François de Rosmadec, comte des Chapelles, qui fut condamné à mort et exécuté, avec le comte de Bouteville, en vertu d’un arrêt du 21 juin 1627. Il était frère du marquis de Molac et intimement lié avec Mme de Sévigné.
  2. 8. Frère d’un avocat général au parlement de Rennes. Il paraît avoir eu quelque talent pour la poésie, et avait été reçu l’année précédente à l’Académie française. Il mourut cette année même (le 28 septembre), peu de temps après avoir pris possession de son siège. Les recueils manuscrits du temps contiennent plusieurs pièces qui portent son nom ; d’autres ont été publiées dans le Recueil de Sercy et dans celui de Pellisson et de Mme de la Suze. Dans les papiers de Conrart il y a de lui une description de la fête donnée à Versailles le 18 juillet 1668 et à laquelle Mme de Sévigné assista avec sa fille. — Voyez les lettres des 23, 27 et 30 septembre suivant.
  3. 9. Le vin de Graves, et en général les vins de Bordeaux, étaient peu appréciés au dix-septième siècle. Les vins de Champagne et ceux de Bourgogne (les premiers surtout) étaient les seuls estimés. C’est, dit-on, le maréchal de Richelieu qui mit les vins de Bordeaux à la mode.