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comédiens nous ont amusés, les passe-pied nous ont divertis, la promenade nous a tenu lieu des Rochers. Nous fîmes hier[1] de grandes dévotions, et demain je m’en vais aux Rochers, où je serai ravie de ne plus voir de festins, et d’être un peu à moi. Je meurs de faim au milieu de toutes ces viandes, et je proposois l’autre jour à Pomenars d’envoyer accommoder un gigot de mouton à la Tour de Sévigné pour minuit, en revenant de chez Mme de Chaulnes. Enfin, soit par besoin ou par dégoût, je meurs d’envie d’être dans mon mail et manger ma petite poitrine[2] : j’y serai huit ou dix jours. Notre abbé, et la Mousse, et Marphise, ont grand besoin de ma présence ; ces deux premiers viennent pourtant dîner ici quelquefois.

J’ai cent baisemains à vous faire ; il est très-souvent question ici de Mme la gouvernante de Provence : c’est ainsi que M. de Chaulnes vous nomme en commençant votre santé.

On contoit hier au soir à table qu’Arlequin[3], l’autre jour, à Paris, portoit une grosse pierre sous son petit manteau. On lui demandoit ce qu’il vouloit faire de cette pierre ; il dit que c’étoit un échantillon d’une maison qu’il vouloit vendre : cela me fit rire ; je jurai que je vous le manderois. Si vous croyez, ma bonne, que cette invention[4] fût bonne pour vendre votre terre, vous pourriez vous en servir.

  1. 4. Le jour de l’Assomption.
  2. 5. C’est là le texte du manuscrit. Quoiqu’il se comprenne fort bien, on pourrait être tenté de lire, en comparant ce passage à la lettre 195, p. 329 : « ménager ma petite poitrine. »
  3. 6. On lit dans le manuscrit : « que Harlequin, » avec une h aspirée, comme dans ce vers du Passage de Gibraltar de Saint-Amant :

    Tandis que l’autre s’évertue
    À faire ici le Harlequin.

  4. 7. Il y a dans le manuscrit imitation, au lieu d’invention.