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tue : cela nous a fort réjouis. Mais sera-t-il possible, ma bonne, que M. de Grignan ne me donne jamais le plaisir de vous voir danser un moment ? Quoi ! je ne reverrai jamais cette danse et cette grâce parfaite qui m’alloit droit au cœur ? J’en vois ici des morceaux séparés, mais je voudrois bien revoir le tout ensemble. Je meurs quelquefois d’envie de pleurer au bal, et quelquefois j’en passe mon envie, sans que personne s’en aperçoive. Certains airs, certaines danses font cet effet très-ordinairement. Mon petit Locmaria a toujours un air charmant. Il fut un peu hier au soir tout auprès de la cadence[1] ; je ne sais s’il n’étoit point ivre : cela se dit ici sans qu’on s’en offense. Adieu, ma très-chère enfant.


1671

198. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

Aux Rochers, dimanche 30e août.

Vraiment, ma fille, il n’en faut pas douter, je perds toutes les semaines une de vos lettres, ou du moins très-souvent. Vous seriez toujours dix jours sans m’écrire, quand je n’en reçois qu’une : je suis assurée que cela n’est pas, et que, par exemple, j’en ai perdu une très-bonne cet ordinaire, et n’ai reçu que celle que vous m’écriviez dans l’accablement de vos Provençaux. Je suis triste de ce malentendu ; et vous verriez aisément ce désordre si vous écriviez vos dates. Un chagrin que cela me donne encore, c’est que je commence toutes mes lettres par ce sot chapitre : c’est un beau début et bien agréable !

  1. 5. Ce membre de phrase n’est pas dans les éditions de 1726, mais seulement dans celles de Perrin.