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rire. Ce que vous dites de la Murinette est extrêmement vrai : il est certain que son humeur est aimable, quoiqu’il y ait quelque chose de brusque et de sec ; mais cela est ajusté avec de si bons sentiments, qu’il est impossible que cela déplaise. Je m’en vais envoyer vos deux lettres à Nantes à d’Harouys et au comte des Chapelles. Ce dernier ne respiroit que cette réponse. Pour d’Harouys[1], il s’embarquoit à payer aux états cent mille francs plus qu’il n’avoit de fonds, et trouvoit que cela ne valoit pas la peine de le dire. Un de ses amis s’en aperçut. Il est vrai que ce ne fut qu’un cri de toute la Bretagne, jusqu’à ce qu’on lui eût fait justice : il est adoré partout, et c’est avec raison.

Un beau matin nos états donnèrent des gratifications pour cent mille écus. Un bas Breton me dit qu’il pensoit que les états allassent mourir, de les voir ainsi faire leur testament, et donner leur bien à tout le monde. Plût à Dieu qu’à proportion on fût aussi libéral en votre Provence ! J’aime nos Bretons ; ils sentent un peu le vin ; mais votre fleur d’orange ne cache pas de si bons cœurs. J’en excepte les Grignans, un, deux, trois, quatre, cinq, six, que j’aime, que j’estime, et que j’honore tous au prorata de leurs dignités.

Vous avez des fruits que je dévore déjà par avance ; j’en mangerai l’année qui vient, si je ne meurs entre ci et là. Quelle joie, ma bonne ! et que j’aime le temps à venir, quelque mal qu’il me puisse faire d’ailleurs, quand je songe au bien qu’il m’apporte tous les jours ! Conservez votre santé, votre beauté, votre amitié entre ci et là, afin que rien ne manque à ma joie.

Que dites-vous de celle de M. d’Andilly, de voir M. de Pompone ministre et secrétaire d’État[2] ? En vérité, il

  1. 3. Il était trésorier des états de Bretagne.
  2. 4. Lyonne, comme nous l’avons dit, était mort le 1er septembre.