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dos, et me dit : « Madame, je viens me réjouir, pas moins, parce qu’on m’a dit que Madame la Comtesse étoit accouchée d’un petit gars. » Cela vaut mieux que toutes les phrases du monde. M. de Montmoron[1] est couru ici ; entre plusieurs propos, on a parlé de devises ; il y est très-habile. Il dit qu’il n’a jamais vu en aucun lieu celle que je conseille à Adhémar. Il connoît celle de la fusée avec les mots : da l’ardore l’ardire ; mais ce n’est pas cela : l’autre est plus parfaite, à ce qu’il dit :

Che peri, pur che m’inalzi.

Soit qu’elle vienne de chez moi, ou d’ailleurs, il la trouve admirable.

Mais que dites-vous de M. de Lauzun ? Vous souvient-il quelle sorte de bruit il faisoit il y a un an ? Qui nous eût dit : « Dans un an il sera prisonnier[2], » l’eussions-nous cru ? VanÍté des vanités ! et tout est vanité.

On dit que la nouvelle Madame n’est point du tout embarrassée de la grandeur de son rang[3]. On dit qu’elle ne fait pas cas des médecins et encore moins des médecines. On vous mandera comme elle est faite. Quand on lui présenta son médecin, elle dit qu’elle n’en avoit que faire, qu’elle n’avoit jamais été ni saignée, ni purgée : que quand elle se trouvoit mal, elle faisoit deux lieues à pied,

  1. 3. Charles de Sévigné, comte de Montmoron, conseiller au parlement de Rennes, cousin du marquis de Sévigné. Son nom figure au contrat de Mme de Grignan : voyez la Notice, p. 330. « C’est une belle âme devant Dieu, » dit Mme de Sévigné, en annonçant sa mort, le 4 octobre 1684.
  2. 4. Le duc de Lauzun fut arrêté le 25 novembre 1671 et ne recouvra sa liberté qu’en 1681. Voyez le tome IV des Mémoires de Mademoiselle, et le chapitre iii du tome XX des Mémoires de Saint-Simon.
  3. 5. Dans l’édition de la Haye et dans celles de Perrin : « que la nouvelle Madame est tout étonnée de sa grandeur. »