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gouvernement de Berri ; il n’en avoit pas pris les provisions ; et voilà un homme comblé de reconnoissance. » Tout ceci est extrêmement vrai ; M. de la Rochefoucauld me le vient de conter. J’ai cru que vous ne haïriez pas ces détails ; si je me trompois, ma bonne, mandez-le moi. Le pauvre homme est très-mal de sa goutte, et bien pis que les autres années : il m’a bien parlé de vous, et vous aime toujours comme sa fille. Le prince de Marsillac[1] m’est venu voir, et l’on me parle toujours de ma chère enfant. J’ai enfin pris courage ; j’ai causé deux heures avec M. de Coulanges ; je ne le puis quitter : c’est un grand bonheur que le hasard m’ait fait loger chez lui.

Je ne sais si vous aurez su que Villarceaux, parlant au Roi d’une charge pour son fils, prit habilement l’occasion de lui dire qu’il y avoit des gens qui se mêloient de dire à sa nièce[2] que Sa Majesté avoit quelque dessein pour elle ; que si cela étoit, il le supplioit de se servir de lui ; que l’affaire seroit mieux entre ses mains que dans celles des autres, et qu’il s’y emploieroit avec succès. Le Roi se mit à rire, et dit : « Villarceaux, nous sommes trop vieux, vous et moi, pour attaquer des damoiselles de quinze ans ; » et, comme un galant homme, se moque de lui, et conta ce discours chez les dames. Ce sont des vérités que tout ceci. Les Anges sont enragées, et ne veulent plus voir leur oncle, qui, de son côté, est fort honteux.

  1. 4. Dans le manuscrit : « le duc de Marsillac. » Voyez p. 348.
  2. 5. Louise-Élisabeth Rouxel, connue depuis sous le nom de Mme de Grancey, lorsqu’elle fut dame d’atour de Marie-Louise d’Orléans, reine d’Espagne. Elle étoit sœur cadette (sœur aînée d’après Saint-Simon) de Marie-Louise Rouxel, comtesse de Marey. On les appeloit les Anges. (Note de Perrin,) — Voyez la lettre du 6 avril 1672. — Louis de Mornay, marquis de Villarceaux (l’amant de Ninon, l’adorateur de Mme Scarron), était frère de la maréchale de Grancey, mère des Anges Né en 1619, il mourut en 1691. Il fut capitaine-lieutenant des chevau-légers du Dauphin.