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détruit la vôtre, tenez-vous pour dit que sa tendresse n’est pas d’un bon aloi.

Il est vrai que Mme de Soubise vient encore d’accoucher ; mais elle relève trop grasse, cela fait qu’on n’a nulle pitié d’elle. Je vous plains bien aussi de vos méchantes compagnies. La nouvelle qu’on y débite du gouvernement de Bretagne donné à M. de Rohan est très-belle : cet homme parle comme du temps des ducs[1]. Je vous souhaite quelquefois un petit brin de ce que l’on a ici de reste.

On étoit hier sur votre chapitre chez Mme de Coulanges ; et Mme Scarron[2] se souvint avec combien d’esprit vous aviez soutenu autrefois une mauvaise cause, à la même place, et sur le même tapis où nous étions : il y avoit Mme de la Fayette, Mme Scarron ; Segrais, Caderousse, l’abbé Têtu, Guilleragues[3], Brancas. Vous n’êtes jamais oubliée, ni tout ce que vous valez : tout est encore vif ; mais quand on pense où vous êtes, quoique vous

  1. 9. Des ducs de Bretagne.
  2. 10. L’édition de la Haye a substitué ici et plus bas Mme de Maintenon à Mme Scarron.
  3. 11. Celui à qui Boileau adressa sa Ve épître :

    Esprit né pour la cour et maître en l’art de plaire, etc.

    — Pierre Girardin de Guilleragues fut d’abord premier président de la cour des aides à Bordeaux, puis secrétaire du cabinet du Roi, ambassadeur à Constantinople en 1679. Il eut quelque temps la direction de la Gazette (voyez la lettre du 7 août 1675). « Guilleragues… n’étoit rien qu’un Gascon, gourmand, plaisant, de beaucoup d’esprit, d’excellente compagnie, qui avoit des amis, et qui vivoit à leurs dépens parce qu’il avoit tout fricassé, et encore étoit-ce à qui l’auroit. Il avoit été ami intime de Mme Scarron, qui ne l’oublia pas dans sa fortune, et qui lui procura l’ambassade de Constantinople pour se remplumer ; mais il y trouva comme ailleurs moyen de tout manger. Il y mourut (en 1689). » (Saint-Simon, tome I, p. 362.) Sa fille devint Mme d’O (voyez les lettres de Mme de Simiane).