Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 2.djvu/476

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 470 —

1672


venez-vous de cette folie, et croyez que jamais rien n’approchera (je ne dis pas surpassera) des divins endroits de Corneille. Il nous lut l’autre jour une comédie chez M. de la Rochefoucauld, qui fait souvenir de la Reine mère[1]. Cependant je voudrois, ma bonne, que vous fussiez venue avec moi après dîner, vous ne vous seriez point ennuyée ; vous auriez peut-être pleuré une petite larme, puisque j’en ai pleuré plus de vingt ; vous auriez admiré votre belle-sœur ; vous auriez vu les Anges[2] devant vous, et la

    dessus, que celles de Racine sont au-dessus de toutes les autres. Croyez que jamais rien n’approchera… »

  1. 8. Qui fait souvenir de la Reine mère. Tel est le texte du manuscrit. Dans la première édition (1725), on lit : « qui fait souvenir de sa défunte reine ; » dans les autres éditions antérieures à Perrin (1726, 1728, 1733) : « qui fait souvenir de la défunte reine. » Perrin (1734, 1754) et tous les éditeurs après lui ont substitué à la défunte reine : « sa défunte veine ; » les lettres r et v se confondent aisément dans l’écriture de Mme de Sévigné. Nous avons suivi le manuscrit, qui est confirmé, au moins quant au sens, par les anciennes impressions. Ce texte s’applique fort bien à la Pulchérie de Corneille, représentée en 1672, la seule de ses tragédies dont il puisse être ici question. Pulchérie est une impératrice âgée de plus de cinquante ans. Elle commence la pièce par cette déclaration, que Voltaire nomme à bon droit imposante, et qui fait souvenir d’Anne d’Autriche et de Mazarin :

    Je vous aime, Léon, et n’en fais point mystère…
    Non d’un amour conçu par les sens en tumulte…
    De tout ce que sur vous j’ai fait tomber d’emplois
    Aucun n’a démenti l’attente de mon choix, etc.


    Au reste, nous convenons que la leçon de Perrin : « qui fait souvenir de sa défunte veine, » peut très-bien aussi se défendre, et qu’elle devient même assez vraisemblable quand on la rapproche, d’une part, du texte de 1725, « sa défunte reine, » et, de l’autre, de ce passage de la lettre du 9 mars suivant : « Corneille… a lu une tragédie qui fait souvenir des anciennes. » Seulement, pour l’admettre, il faut supposer que, dans le manuscrit, le copiste a supprime défunte et ajouté mère.

  2. 9. Voyez la lettre du 6 avril 1672.