Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 2.djvu/489

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 483 —

1672

tous deux. Vous vous moquez de me mander que vous ne vous êtes pas trouvé assez d’esprit pour cela. Songez-vous à faire de belles lettres pour moi ? Il me paroit qu’elles ne le peuvent être dès qu’on y songe.

Il est vrai que je sais ce qui se passe ; mais je ne le saurois point, si tous mes amis avoient sur cela autant de prudence que vous.

Avez-vous fait les deux vers que vous m’envoyez sur ce sujet ? Les avez-vous retournés, ou seulement copiés ? Ils sont capables de faire trembler tous les gazetiers de France. Il est vrai qu’en voici qui les rassurent :

Qu’il se perde tant de paquets
Qu’on dit tous les jours par la ville,
Ce sont contes à plaisir ; mais
Pour un perdu, l’on en dit mille.


244. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Sainte-Marie du faubourg, vendredi 29e janvier, jour de saint François de Sales, et jour que vous fûtes mariée. Voilà ma première radoterie ; c’est que je fais des bouts de l’an de tout

Me voici dans un lieu, ma bonne, qui est le lieu du monde où j’ai pleuré, le jour de votre départ, le plus abondamment et le plus amèrement : la pensée m’en fait tressaillir. Il y a une bonne heure que je me promène toute seule dans le jardin : toutes nos sœurs sont à vêpres, embarrassées d’une méchante musique ; et moi, j’ai eu l’esprit de m’en dispenser. Ma bonne, je n’en puis plus ; votre souvenir me tue en mille occasions : j’ai pensé