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1672


d’avoir appris en arrivant la mort de son pauvre frère. J’avois le cœur bien serré en l’embrassant. Il alla coucher à Saint-Germain, et m’a promis de me voir à son retour, et que nous parlerions de vous : j’espère cette conversation.

Vous me dites que je pleure, et que je suis la maîtresse. Il est vrai, ma fille, que je ne puis m’empêcher de pleurer quelquefois ; mais ne croyez pas que je sois tout à fait la maîtresse de partir, quand je le voudrai. Je voudrois que ce fût demain, par exemple ; et mon fils a des besoins de moi très-pressants présentement. J’ai d’autres affaires pour moi. Enfin il me faut jusqu’à Pâques. Ainsi, mon enfant, on est la maîtresse, et l’on ne l’est point, et l’on pleure.

J’ai vu tantôt notre Cardinal[1] : il ne se peut consoler de ne vous avoir point trouvée ici ; il vous en écrit, et m’a paru touché de bonne foi d’être à Paris, sans avoir le plaisir de vous voir et de causer avec sa chère nièce ; vous lui faites souhaiter la mort du pape[2]. Vous verrez le chevalier de Lorraine plus tôt que nous. M. de Boufflers[3], gendre de Mme du Plessis, est mort en passant d’une chambre à l’autre, sans autre forme de procès. J’ai vu tantôt sa petite veuve, qui, je crois, se consolera. M. Isarn, un bel esprit, est mort de la même sorte[4].

  1. 3. Le cardinal de Retz.
  2. 4. Le Cardinal, en allant au conclave, aurait rendu visite a Mme de Grignan.
  3. 5. François, comte de Boufflers, frère aîné du maréchal, mourut au château de Boufflers le 14 février 1672. Il avait épousé, l’année précédente, Elisabeth-Angélique, fille de Mme du Plessis Guénégaud. Voyez la lettre du 26 février suivant.
  4. 6. Il s’évanouit dans une chambre où il avait été renfermé par mégarde, et mourut faute de secours. — Isarn était un des amis de Mlle de Scudéry. « Il était de Castres comme Pellisson. Riche, spirituel, d’une fort jolie figure, il eut à Toulouse et à Paris d’assez grands succès. On a de lui une pièce assez agréable, en vers et en prose, qui depuis a été fort souvent îmitee : c’est l’histoire d’un