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parées se mirent à genoux autour d’elle, sans distinction de tabourets : on soupa dans cet appartement. Il y avoit quarante dames à table ; le souper fut magnifique. Le Roi vint, et fort gravement regarda tout sans se mettre à table ; on monta en haut, où tout étoit préparé pour le bal. Le Roi mena la Reine, et honora l’assemblée de trois ou quatre courantes, et puis s’en alla souper au Louvre avec la compagnie ordinaire. Mademoiselle ne voulut point venir à l’hôtel de Guise[1]. Voilà tout ce que je sais.

Je veux voir le paysan de Sully[2] qui m’apporta hier votre lettre ; je lui donnerai de quoi boire : je le trouve bien heureux de vous avoir vue. Hélas ! comme un moment me paroîtroit, et que j’ai de regret à tous ceux que j’ai perdus ! Je me fais des dragons[3] aussi bien que les autres. D’Irval[4] a ouï parler de Merlusine : il dit que c’est bien

  1. 16. Mademoiselle, au mois de décembre précédent, s’était brouillée avec sa sœur la duchesse de Guise, et avec toute la maison de Lorraine. Voyez ses Mémoires, tome IV, p. 219 et 220. — Cependant la Gazette du 14 février, soit parce qu’elle est mal informée, soit pour que les bienséances soient sauves, dit que Mademoiselle assistait à la fête.
  2. 17. Mme de Grignan n’avait pas été à Sully, ce qui l’aurait détournée de sa route ; mais elle put voir ce paysan à Briare, où peut-être il lui avait apporté une lettre de la duchesse de Sully.
  3. 18. Expression familière, fréquemment employée entre la mère et la fille, pour dire des tourments d’esprit, des chagrins, des fantômes inquiétants.
  4. 19. Jean-Antoine de Mesmes, neveu (et non frère, comme on l’a dit) du négociateur du traité de Westphalie, Claude, comte d’Avaux, qui était mort en 1650. Il quitta dans la suite le nom d’Irval, sans doute en 1673, année de la mort de son père, pour prendre celui de comte d’Avaux, laissant à son frère aîné le nom de Mesmes. Il fut successivement ambassadeur extraordinaire à Venise (1672), plénipotentiaire à Nimègue (1675), ambassadeur en Hollande, etc. Il mourut en 1709, à l’âge de soixante-neuf ans. Son père, frère puîné du négociateur, était appelé dès 1650 le président de Mesmes, et c’est le titre qu’il prend dans le contrat de Mme de Grignan : voyez la Notice, p. 331. Il avait porté antérieurement, lui aussi, le nom d’Irval.