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moins celui de me mander toujours de vos nouvelles, et comme vous vous portez, et votre aimable visage que j’aime tant, et si vous vous mettez sur ce diable de Rhône.

Vous aurez à Lyon Monsieur de Marseille[1].

Mercredi au soir.

Je viens de recevoir tout présentement votre lettre de Nogent[2]. Elle m’a été donnée par un fort honnête homme, que j’ai questionné tant que j’ai pu ; mais votre lettre vaut mieux que tout ce qui se peut dire. Il étoit bien juste, ma bonne, que ce fût vous la première qui me fissiez rire, après m’avoir tant fait pleurer. Ce que vous mandez de M. Busche[3] est original : cela s’appelle des traits dans le style de l’éloquence ; j’en ai donc ri, je vous l’avoue, et j’en serois honteuse, si depuis huit jours j’avois fait autre chose que pleurer. Hélas ! je le rencontrai dans la rue ce M. Busche, qui amenoit vos chevaux ; je l’arrêtai, et toute en pleurs je lui demandai son nom ; il me le dit. Je lui dis en sanglotant : « Monsieur Busche, je vous recommande ma fille, ne la versez point ; et quand vous l’aurez menée heureusement à Lyon, venez me voir et me dire de ses nouvelles ; je vous donnerai de quoi boire. » Je le ferai assurément, et ce que vous m’en mandez augmente beaucoup le respect que j’avois déjà pour lui. Mais vous ne vous portez point bien, vous n’avez point dormi. Le chocolat vous remettra ; mais vous n’avez point de chocolatière, j’y ai pensé mille fois ; comment ferez-vous ? Hélas ! ma bonne, vous ne vous trompez pas,

  1. 3. Voyez la note 1 de la lettre 117.
  2. 4. Nogent-sur-Vernisson, bourg à quatre lieues au delà de Montargis, sur la route de Lyon.
  3. 5. Ce cocher ou conducteur, sans doute allemand ou suisse, au moins d’origine, à en juger par son nom, est mentionné de nouveau dans les lettres des 4 et 6 mars suivants.