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Lyon et de votre embarquement, n’est pas médiocre ; et si vous avez descendu au Pont[1], et de votre arrivée à Arles, et comme vous avez trouvé ce furieux Rhône en comparaison de notre pauvre Loire, à qui vous avez tant fait de civilités. Que vous êtes honnête de vous en être souvenue comme d’une de vos anciennes amies ! Hélas ! de quoi ne me souviens-je point ? Les moindres choses me sont chères ; j’ai mille dragons. Quelle différence ! je ne revenois jamais ici sans impatience et sans plaisir : présentement j’ai beau chercher, je ne vous trouve plus ; mais comment peut-on vivre quand on sait que quoi qu’on fasse, on ne retrouvera plus une si chère enfant ? Je vous ferai bien voir si je la souhaite, par le chemin que je ferai pour la retrouver. J’ai reçu une lettre de M. de Grignan. Il n’y en a point pour vous. Il me mande qu’il reviendra cet hiver : vous quittera-t-il, ou le suivrez-vous ? Mais dans cette incertitude louerai-je votre appartement ? On est tous les jours sur le point d’en conclure le marché. Faites-moi réponse.

Monsieur le Dauphin[2] étoit malade, il se porte mieux. On sera à Versailles jusqu’à lundi. Mme de la Vallière est toute rétablie à la cour. Le Roi la reçut avec des larmes de joie, et Mme de Montespan avec des larmes… devinez de quoi. L’on a eu avec l’une et l’autre des conversations tendres[3] : tout cela est. difficile à comprendre, il faut se taire. Les nouvelles de cette année ne tiennent pas d’un ordinaire à l’autre.

  1. 9. Comme plus haut, au Pont-Saint-Esprit.
  2. 10. Il avait alors un peu plus de neuf ans : il était né le 1er novembre 1661.
  3. 11. Nous avons suivi pour cette phrase les deux éditions françaises de 1726. Elles reproduisent sans aucun doute le vrai texte de Mme de Sévigné. L’édition de la Haye, notre ancienne copie, et les éditions de Perrin ont supprimé les mots les plus significatifs et