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des prônes et des discours et des refus, vous me fâcherez et vous me décontenancerez au dernier point.

Les nouvelles que je vous mande sont d’original : c’est de Gourville[1] qui étoit avec Mme de Longueville, quand elle a reçu la nouvelle. Tous les courriers viennent droit à lui. M. de Longueville avoit fait son testament avant que de partir. Il laisse une grande partie de son bien à un fils qu’il a, qui, à mon avis, paroîtra sous le nom de chevalier d’Orléans[2], sans rien coûter à ses parents, quoiqu’ils ne soient pas gueux. Savez-vous où l’on mit le corps de M. de Longueville ? Dans le même bateau où il avoit passé tout vivant. Deux heures après, Monsieur le Prince le fit mettre près de lui, couvert d’un manteau, dans une douleur sensible. Il étoit blessé aussi, et plusieurs autres, de sorte que ce retour est la plus triste chose du monde. Ils sont dans une ville au deçà du Rhin, qu’ils ont passé pour se faire panser. On dit que le chevalier de Montchevreuil[3], qui étoit à M. de Longueville, ne veut pas qu’on le panse d’une blessure qu’il a eue auprès de lui.

J’ai reçu une lettre de mon fils. Il n’étoit pas à cette première expédition ; mais il sera d’une autre : peut-on trouver quelque sûreté dans un tel métier ? Il est sensiblement touché de M. de Longueville. Je vous conseille d’écrire à M. de la Rochefoucauld sur la mort de son

  1. 23. Voyez la note 3 de la lettre 158.
  2. 24. Il parut sous le nom de chevalier de Longueville, et fut tué à Philisbourg (en 1688) par un soldat qui tiroit une bécassine. (Note des éditions de 1726.) — Il était fils de la maréchale de la Ferté. Le duc de Longueville lui laissa par testament 500 000 livres à prendre sur ses meubles ; et, de peur que le legs ne fût attaqué, le duc avait pris la précaution de faire signer son testament par la duchesse sa mère. Voyez la lettre du 8 juillet suivant.
  3. 25. Ce nom désigne Philippe de Mornay, chevalier de Malte. Il mourut de la blessure dont il est ici parlé.