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1673

337. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Bourbilly, samedi 21e octobre.

J’arrivai ici lundi au soir, comme je vous l’écrivis dès le même soir. Je trouvai des lettres de Guitaut qui m’attendoient. Le lendemain, dès neuf heures, il vint ici au galop, mouillé comme un canard, car il pleut tous les jours. Nous causâmes extrêmement ; il me parla fort de vous, et m’entretint ensuite de ses affaires et de ses dégoûts. Il me dit que le Roi est revenu à Versailles[1] ; il me montra les nouvelles de la guerre[2] ; il trouva que la politique obligeroit sans doute M. de Grignan à venir expliquer sa conduite à Sa Majesté, et même à venir prendre les ordres de sa propre bouche pour la guerre, si elle se déclare. Voilà ce qu’il me dit sans vouloir me plaire, et même sans intérêt ; car il me paroît peu disposé à retourner cet hiver à Paris. Après que nous eûmes dîné très-bien, malgré la rusticité de mon château, voilà un carrosse à six chevaux qui entre dans ma cour, et Guitaut à pâmer de rire. Je vois en même temps la comtesse de Fiesque, et Mme de Guitaut qui m’embrassent. Je ne puis vous représenter mon étonnement, et le plaisir qu’avoit

  1. Lettre 337. — 1. Le Roi était reparti de Nancy le 30 septembre, et s’était dirigé vers Laon, où il s’arrêta le 8 octobre ; le 9 au matin, il déclara « le dessein de s’en retourner à Saint-Germain ou à Versailles en quatre jours. » (Lettre de Pellisson.) Voyez les Mémoires de Mademoiselle, tome IV, p. 346 et la note.
  2. 2. « Le comte de Monterei (voyez la note 1 de la lettre du 29 décembre suivant) avait publié à Bruxelles, le 15 octobre, la rupture de la paix entre la France et l’Espagne » (Walckenaer, tome V, p. 12) ; et « le 20 octobre au matin, le lieutenant de police, M. de la Reynie, faisait publier à son de trompe et afficher dans Paris l’ordonnance pour la déclaration de la guerre contre les Espagnols. »  » (Histoire de Louvois par M. Rousset, tome I, p. 190.)