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plus ; mais parlons d’autre chose ; je vous ennuierois si je vous disois tout ce que je sens.

Je quittai hier Époisse et toute la compagnie que je vous ai dite, car je vous écrivis avec Guitaut une assez grande lettre. J’ai été neuf jours entiers en Bourgogne, et je puis dire que ma présence et celle de notre abbé étoient très-nécessaires à Bourbilly. J’ai extrêmement causé avec Guitaut ; il m’a divertie par ses détails, dont je ne savois que l’autre côté ; il est bon d’entendre les deux parties. Il m’a flattée d’avoir pris plaisir à me redonner pour lui toute l’estime qu’on auroit pu m’ôter, si je ne m’étois miraculeusement fiée à sa bonne mine ; il m’a paru sincère et fort honnête homme ; et je trouve que l’on l’a voulu chasser de l’hôtel de Condé[1], seulement parce qu’il faisoit ombrage aux autres : un tel favori n’est pas agréable dans une petite cour. Il y a des endroits bien extraordinaires dans son roman ; la conclusion est la retraite dans son château : c’est pourtant ce que je ne voudrois pas assurer.

La Comtesse[2] m’a conté des choses admirables de l’hôtel de Grancey[3] : le plan de cette maison est une chose curieuse. Mais il faut que toutes les jalousies du monde se taisent devant celle de l’homme[4] qui est acteur dans cette scène : c’est la quintessence de jalousie, c’est la jalousie même ; j’admire qu’il en soit resté dans le monde, après qu’il a été partagé. Je prendrois plaisir de causer de tout cela tête à tête avec vous ; ces sortes de choses qui se passent dans le commerce du monde sont curieuses à savoir.

  1. Lettre 339 (revue sur une ancienne copie). — 1. Le comte de Guitaut y était premier gentilhomme de la cliambre de Monsieur le Prince.
  2. 2. La comtesse de Fiesque.
  3. 3. Voyez plus haut, p. 10, la note 19 de la lettre du 6 avril 1672, et la lettre 337, p. 247.
  4. 4. Monsieur le Duc. (Note de Perrin.)