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comparé, je n’en pouvois faire un plus douloureux que celui que je fis hier à M. le cardinal de Retz, chez M. de Caumartin[1], à quatre lieues d’ici[2]. J’y fus lundi dîner[3] ; je le trouvai au milieu de ses trois fidèles amis[4] ; leur contenance triste me fit venir les larmes aux yeux ; et quand je vis Son Éminence avec sa fermeté, mais avec sa tendresse et sa bonté pour moi, je ne pus soutenir cette vue. Après le dîner nous allâmes causer dans les plus agréables bois du monde ; nous y fûmes jusqu’à six heures[5] dans plusieurs sortes de conversations si bonnes, si tendres, si aimables, si obligeantes, et pour vous et pour moi, que j’en suis pénétrée ; et je vous redis encore, mon enfant, que vous ne sauriez trop l’aimer ni l’honorer.

Mme  de Caumartin arriva de Paris, et, avec tous les hommes qui étoient restés au logis, elle vint nous trouver dans ce bois. Je voulus m’en retourner à Paris ; ils m’arrêtèrent[6], et sans beaucoup de peine : j’ai mal dormi ;

    logis) : « J’ai le cœur bien pressé de notre cardinal, je le vois souvent et longtemps, et cela même augmente ma tristesse ; il s’en va demain. »

  1. Lettre 408. — 1. Sur M. et Mme  de Caumartin, voyez tome I, p. 520, note 4, et ci-dessus, p. 269, note 13.
  2. 2. À Boissy-Saint-Léger (près du château de Grosbois), où Caumartin avait une maison de campagne.
  3. 3. C’est le texte de toutes les éditions, à l’exception de celle de 1754, qui a dernier, au lieu de dîner.
  4. 4. D’Hacqueville sans doute et Caumartin, et peut-être avec eux soit le fils aîné de ce dernier, soit plutôt l’abbé de Pontcarré, grand ami du Cardinal et qui autrefois lui avait témoigné son attachement en l’allant voir à Nantes avec Caumartin, d’Hacqueville et l’abbé Amelot (voyez les Mémoires de Retz, tome IV, p. 202, et ci-dessus, la lettre 267, p. 29). — Quant au marquis de la Garde, dont l’édition de 1818 avait joint le nom à ceux de Caumartin et de d’Hacqueville dans une note de la lettre suivante où il est de nouveau question des trois amis, il était alors à l’armée : voyez la lettre du 24 juillet.
  5. 5. « Jusqu’au soir. » (Édition de Rouen, 1726.)
  6. 6. Dans les éditions de Perrin : « Ils m’arrêtèrent à coucher. »