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il se trouve dans sa retraite : il faut souhaiter que Dieu s’en mêle ; sans cela tout est mauvais.

Nous avons eu un froid étrange ; mais j’admire bien plus le vôtre : il me semble qu’au mois de juin je n’avois pas froid en Provence. Je vous vois dans une parfaite solitude ; je vous plains moins qu’une autre : je garde ma pitié pour bien d’autres sujets, et pour moi-même la première. Je trouve qu’il est commode de connoître les lieux où sont les gens à qui l’on pense toujours : ne savoir où les prendre fait une obscurité qui blesse l’imagination. Votre chambre et votre cabinet me font mal, et pourtant j’y suis quelquefois toute seule à songer à vous ; c’est que je ne me soucie point de me tant épargner. Ne faites-vous point rétablir votre terrasse ? Cette ruine me déplaît, et vous ôte votre unique promenade.

Voilà une lettre infinie ; mais savez-vous que cela me plaît de causer avec vous ? Tous mes autres commerces languissent, par la raison que les gros poissons mangent les petits. J’embrasse le petit marquis ; dites-lui qu’il a encore une autre maman au monde ; je crois qu’il ne se souvient pas de moi. Adieu, ma très-chère et très-aimable enfant ; je suis entièrement à vous.


1675

414. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Paris, vendredi 5e juillet.

Je veux vous entretenir un moment, ma chère fille, de notre bon cardinal. Voilà une lettre qu’il vous écrit. Conseillez-lui fort de s’occuper et s’amuser à faire écrire son histoire ; tous ses amis l’en pressent beaucoup. Il me mande qu’il se trouve fort bien dans son désert, qu’il le