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1675 hier ce petit cardinal. Vous connoissez bien Pertuis[1], et son adoration et son attachement pour M. de Turenne. Dès qu’il a su sa mort, il a écrit au Roi, et lui mande : « Sire, j’ai perdu M. de Turenne ; je sens que mon esprit n’est point capable de soutenir ce malheur ; ainsi, n’étant plus en état de servir Votre Majesté, je vous rends ma démission du gouvernement de Courtrai. » Le cardinal de Bouillon empêcha qu’on ne rendît cette lettre ; mais, craignant qu’il ne vînt lui-même, il dit au Roi l’effet du désespoir de Pertuis. Le Roi entra fort bien dans cette douleur, et dit au cardinal de Bouillon qu’il en estimoit davantage Pertuis, et qu’il ne songeât point à se retirer, qu’il étoit trop honnête homme pour ne faire pas toujours son devoir, en quelque état qu’il pût être. Voilà comme sont ceux qui regrettent ce héros. Au reste, il avoit quarante mille livres de rente de partage ; et M. Boucherat a trouvé que, toutes ses dettes et ses legs payés, il ne lui restoit que dix mille livres de rente : c’est deux cent mille francs pour tous ses héritiers, pourvu que la chicane n’y mette pas le nez. Voilà comme il s’est enrichi en cinquante années de service.

Voici une autre histoire bien héroïque écoutez-moi. M. le chevalier de Lorraine est donc revenu. Il entra chez Monsieur et lui dit : « Monsieur, M. le marquis d’Effiat et le chevalier de Nantouillet m’ont mandé que vous vouliez que j’eusse l’honneur de revenir auprès de vous. » Monsieur répondit honnêtement, et ensuite lui dit qu’il falloit dire au moins à Varangeville qu’il étoit fâché de ce qui s’étoit passé[2]. Varangeville entre ; le chevalier de Lorraine lui dit : « Monsieur,

  1. Guy Pertuis, gouverneur de la citadelle de Courtrai, avait été capitaine des gardes de Turenne.
  2. Voyez la fin de la lettre du 9 août précédent, p. 35-37.