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un ami puissant qui m’auroit servi, ou pour le moins mon fils j’en suis au désespoir.

Revenons maintenant aux huit maréchaux. En 1668 on en fit trois[1], et ce nombre étonna tout le monde ; en voici huit aujourd’hui qu’on vient de faire je ne doute pas que la surprise publique ne soit extrême. Pour peu qu’on augmente la première promotion qu’on en fera, ce seront véritablement des maréchaux à la douzaine. Ce grand nombre, et la condition que le premier commandera au second, et le second au troisième, et que ces Messieurs ne roulent plus ensemble comme ils faisoient autrefois, rend cette dignité bien moins considérable qu’elle n’étoit. Si le Roi m’a fait tort en me privant des honneurs que méritoient mes services, il m’a en quelque façon consolé en ne me donnant pas le bâton de maréchal de France, par le rabais où il l’a mis je dis en quelque façon consolé, car tel qu’il est, je le voudrois avoir, quand ce ne seroit que parce qu’il est toujours office de la couronne, et qu’il est une marque des bonnes grâces du Prince, qui sont d’ordinaire accompagnées ou suivies de quelque chose de solide dont j’ai encore plus de besoin que d’honneurs. Cependant Dieu n’a pas voulu que cela fût, ou que cela fût encore ; je n’en murmure point, et au contraire je lui rends mille grâces du repos d’esprit qu’il m’a donné sur cela, et de ce qu’il m’a fait le courage encore plus grand que mes malheurs.

  1. Les maréchaux de Créquy, de Bellefonds et d’Humières. Voyez tome I, p. 512, 517 et suivante.
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